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décembre 1766

ans ont été employés à acquérir des talens mécaniques. Fils de Caron, horloger, il avait suivi l’état de son père avec succès. Mais, né avec une certaine portion d’esprit et des dispositions naturelles pour des arts aimables, son goût pour la musique l’a mis à même de franchir la distance qui le séparait d’un certain monde. Il est parvenu à approcher de la cour ; il a été assez heureux pour y plaire par ses talens, et d’en profiter pour se ménager des grâces qui l’ont mis en état de faire une fortune considérable. Les morts successives du mari d’une femme qu’il aimait et qu’il a épousée ensuite, ainsi que de cette même femme, après lui avoir fait une donation de tout son bien, jettent sur sa réputation un vernis peu favorable[1]. Il a été refusé dans diverses charges dont il voulait se pourvoir.

30. — Nous apprenons la mort de M.  Reboucher, conseiller en la cour souveraine de Lorraine. Ce galant successeur de Chaulieu faisait des poésies anacréontiques très-agréables. Il est l’auteur d’un joli madrigal à une dame, en lui présentant une violette :

Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour,
Franche d’ambition, je me cache sous l’herbe ;
Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe[2].

  1. Nous ne croyons pas avoir besoin de prémunir l’esprit du lecteur contre ces calomnies, que Beaumarchais lui-même a réfutées si plaisamment dans une note sur la lettre de Voltaire à d’Argental, en date du 31 janvier 1774. — R.
  2. Ces vers sont de Desmarets de Saint-Sorlin, et font partie du recueil connu sous le nom de Guirlande de Julie ; ils ont été composés pour Julie d’Angennes, qui épousa, en 1644, le duc de Montausier. — R.