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JUIN 1762

18. — M. de Crébillon, l’un des quarante de l’Académie Française, dont on avait prématurément annoncé la mort depuis long-temps, est enfin décédé aujourd’hui, dans un âge fort avancé. Sa place de censeur de la police était donnée depuis quelque temps à M. Marin, comme adjoint.

19. — M. l’abbé de Lignac, ci-devant de l’Oratoire, connu par plusieurs ouvrages de métaphysique, est mort hier aussi : il était très-vieux.

20. — On écrit de Genève, du 12 de ce mois, que ce jour-là même le livre de Jean-Jacques Rousseau avait été arrêté et porté au tribunal de la république, pour y être statué ce qu’il appartiendrait.

On ne sait point au juste où est cet illustre fugitif[1]. On le dit chez le prince de Conti ; on le dit à Bouillon ; on le dit en Hollande ; on le dit en Angleterre.

21. — Les Comédiens Français se disposaient à donner, dans la semaine, la Mort de Socrate, tragédie en trois actes de M. Sauvigny[2], ancien garde-du-corps du roi de Pologne Stanislas. On craint qu’elle ne soit arrêtée par la police, à cause de la circonstance de l’affaire de Jean-Jacques, qui présente la même scène que cet illustre Grec offrait à l’aréopage d’Athènes. Dans le drame nouveau, l’auteur, qui n’avait pas pu prévoir ce qui arrive aujourd’hui, a, dit-on, traité cette situation de façon à faire croire qu’elle est adaptée à l’aventure du moment.

  1. Dès le 15 juin les lettres de Jean-Jacques sont datées d’Yverdun. Il demeurait chez M. Roguin, qu’en 1769 il appelait le doyen de ses amis. — R.
  2. Edme-Louis Billardon de Sauvigny, né à La Rochelle, le 15 mars 1736, et non vers 1730, dans le diocèse d’Auxerre, comme le dit la Biographie Universelle, est mort à Paris le 19 avril 1812, et non en 1809, comme il est dit dans le même ouvrage. — R.