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MÉMOIRES SECRETS

son système ; il a vu toutes les choses dans leurs principes, les besoins divers des différentes sociétés. Il nous rend, pour ainsi dire, les confidens des législateurs ; il met à découvert les ressorts de leur politique, en nous conduisant par la main dans le dédale inextricable des lois…

L’esprit des lois a dégénéré chez presque toutes les nations. On s’est écarté de la loi naturelle : une grande partie de nos lois sont une suite du gouvernement féodal… L’envie d’asservir le peuple fit recourir à la religion… La superstition est le frein le plus propre à gouverner les hommes… On vit alors se répandre une barbare théocratie… On prêcha un Dieu de miséricorde, et l’esprit de ténèbres succéda à l’ange de lumières… Les ministres de l’autel ne s’oublièrent pas, et profitant pour eux-mêmes de ce que le despotisme exigeait d’eux, ils excitèrent aux plus étranges attentats pour soutenir par le fanatisme ce que la piété raisonnée leur refusait… Prêtres, pontifes, législateurs, ils établirent de nouvelles lois, une nouvelle doctrine adaptée uniquement à leur intérêt ; ils entraînèrent dans l’erreur les peuples, les grands et les conciles.

La politique de la cour de Rome lui suggéra de ne mettre sur le siège de Pierre qu’un vieillard décrépit, dont l’imbécillité de l’âge se prête à tout ce que l’esprit d’intrigue peut désirer. Ce superbe pontife, esclave de ceux qui gouvernent sous lui, enchaîne de ses mains au char de l’intérêt la gloire, l’honneur et la vérité.

Pierre disait : « Levez-vous ; … je ne suis qu’un homme. » Mais on a substitué à un Dieu fait homme, un homme dont on a fait un Dieu… C’est de la bouche d’un Hildebrand que l’on a fait sortir des maximes qui sont des