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AVRIL 1765

quolibets de toute espèce qui ont couru dans le public sur cette Société.

3. — On répand des copies d’une Lettre de M. de Voltaire à M. Berger, l’intime ami dans le sein duquel cet auteur déposait ses secrets, et à qui l’on a enlevé les lettres qui ont été imprimées depuis quelque temps sous le nom de Lettres secrètes. M. de Voltaire, après avoir plaisanté M. Berger sur la pierre dont il est tourmenté, et avoir fait quelques réflexions burlesques sur la Providence, le gronde de s’être laissé prendre des copies de ses lettres par un nommé Vaugé. Au reste, il prétend quelles sont si défigurées qu’il ne s’y reconnaît pas lui-même. Il tombe ensuite sur Fréron, et finit par se féliciter de la vie délicieuse et simple qu’il mène aux Délices. On voit, dans toute cette façon de penser et de plaisanter, quelque chose de contraint qui déplaît : c’est un vieillard septuagénaire qui s’efforce de rire, la rage dans le cœur.

4. — Il paraît un Mémoire de M. Loyseau, jeune avocat, qui traite son métier plus en orateur qu’en jurisconsulte. Cet ouvrage fait grand bruit comme littéraire. C’est l’histoire des amours de M. Le Bœuf de Valdahon, mousquetaire de la première compagnie, avec mademoiselle Le Monnier, fille du premier président de la chambre des Comptes de Dôle. Il fait parler le jeune homme ; il raconte d’une manière tendre et touchante toute son intrigue, qu’il ne révèle qu’à la dernière extrémité, et contraint à le faire pour repousser les imputations atroces du père de la demoiselle. Rien de plus agréablement écrit que ce roman, plein d’incidens et de peintures voluptueuses. C’est le même sujet qu’on avait annoncé devoir être traité par J.-J. Rousseau[1].

  1. V. 7 avril 1763. — R.