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MÉMOIRES SECRETS

12. — Mademoiselle Clairon ayant paru menacer de son indignation l’auteur de la parodie rapportée à l’article du 15 janvier, il s’est fait connaître, et s’annonce partout pour l’avoir faite : c’est M. de Saint-Foix. Il rapporte qu’un jour où l’on jouait à la cour Olympie et les Grâces, il pria, avant la pièce, mademoiselle Clairon, de trouver bon que mademoiselle Doligny, qui faisait un rôle de prêtresse, sortît de la scène un peu plus tôt, afin, d’être en état de paraître tout de suite et d’empêcher le roi de s’en aller, suivant sa coutume, quand on met un intervalle entre les deux pièces. Elle répondit fort insolemment, qu’elle ne le voulait point ; que mademoiselle Doligny se donnât bien de garde de manquer à la pompe et à la décence du spectacle, sinon qu’elle quitterait la scène elle-même. Le Breton piqué s’est vengé par la cruelle parodie dont il est question.

13. — Enfin a paru aujourd’hui le Siège de Calais, cette tragédie tant annoncée. La fureur avait redoublé, et l’on a peu vu de foule aussi considérable.

La pièce, plusieurs fois à la veille d’être sifflée jusqu’à la fin du quatrième acte, a repris fortement grâce au jeu supérieur de l’acteur Molé, et a fini par être très-applaudie. Quoi qu’il n’y ait, à proprement parler, qu’un caractère théâtral, point de passion, point d’intérêt, point d’onction, point de vraisemblance dans tout le reste ; que les incidens en soient forcés, le style bouffi, et la plupart des tirades hors d’œuvre et pleines de pensées fausses, nous ne doutons point que cette pièce n’ait le plus grand succès éphémère, à cause des grands noms qu’elle illustre encore et des éloges prodigués aux Français de ce temps-là, que ceux de celui-ci veulent bien s’attribuer. En un mot c’est un sermon monarchique,