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DÉCEMRE 1764

Lettre de M. le Contrôleur-général à M. le duc
d’Aiguillon.

En vérité, monsieur le duc, la folie de vos États de Bretagne devient incurable. Il ne reste plus d’autre parti à prendre que de faire régler au Conseil l’affaire des trois ordres, et après cette décision solennelle, il n’y aura plus de remède. Demandez donc bien net à l’ordre de la noblesse, et à M. de Kerguesec en particulier, si leur intention est : 1o que toutes impositions cessent en Bretagne, et s’ils comptent que les autres sujets du roi paieront pour les Bretons ; 2o veulent-ils forcer le gouvernement à se monter sur le ton de rigueur et à quitter le ton de douceur qu’il avait pris ? Lorsque la raison et l’honnêteté conduisent les hommes, l’autorité peut céder, parce qu’il n’y a pas d’inconvénient ; mais lorsque la déraison et la révolte s’emparent des esprits, il ne reste d’autre parti à prendre que celui de la sévérité, et il y aurait du danger d’en user autrement. Pense-t-on que le roi laisse avilir à ce point son autorité ? 3o croit-on par-là hâter le retour des mandés ? Si la conduite de la noblesse avait été telle qu’elle devait être, il y a long-temps, monsieur le duc, que le roi aurait accordé cette grâce à votre demande. Mais je ne puis vous cacher, ni vous, monsieur le duc, le laisser ignorer à l’ordre de la noblesse, que le roi s’irrite : et hier encore, il a parlé de manière à faire sentir son mécontentement ; et si avant huit jours l’ordre de la noblesse n’a pris le parti convenable, le roi est prêt à partir. On croira que ce que je vous mande est un conte ; je puis cependant vous assurer que c’est la pure vérité.

Vous connaissez, monsieur le duc, l’attachement et