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MÉMOIRES SECRETS

chement aux opinions des autres. L’Histoire de l’Empire de Russie mérite tous les éloges que nous donnons à M. de Voltaire. L’ignorance et la présomption des écrivains qui ont prétendu nous faire connaître la vie de Pierre-le-Grand avaient rendu cette histoire aussi nécessaire qu’elle est agréable, intéressante et impartiale.

M. de Voltaire voudra bien accepter cet hommage des auteurs du Monthly Review, comme un témoignage de la reconnaissance qu’ils lui doivent pour le plaisir que leur a procuré tant de fois la lecture de ses écrits. »

Telle est là façon dont s’expriment ces auteurs. Que diront à cet éloge les ennemis de M. de Voltaire ? Oseraient-ils le regarder comme concerté, mendié, et peut-être envoyé par ce grand homme ? Des hommes libres se prêteraient-ils à une charlatanerie aussi servile ?

4. — Nous tenons de la bouche de M. Goldoni que, malgré toutes les démarches que lui et ses amis ont faites pour le faire rencontrer avec M. Diderot, celui-ci a toujours éludé. En vain MM. Marmontel et Damilaville, intimement liés avec ce dernier, ont-ils promis à l’Italien de lever les difficultés : il paraît que tous deux ont échoué dans leur négociation. Il ne sait à quoi attribuer une antipathie aussi forte ; il déclare qu’il n’y a que le premier acte du Fils naturel qui soit semblable au sien ; il regarde le Père de famille comme tout-à-fait opposé à celui qui est dans ses œuvres[1] ; enfin il parle de ce philosophe avec un respect, une estime, des sentimens bien différens de ceux que l’autre a témoignés dans ses répli-

  1. Lorsque Diderot publia, en 1757, son drame du Fils naturel, on l’accusa d’avoir emprunté au Véritable ami de Goldoni l’intrigue et le caractère principal de sa pièce. Le Père de Famille, qu’il fit paraître l’année suivante, excita de nouveau les clameurs de l’envie, et les accusations de plagiat se renouvelèrent. — R.