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MÉMOIRES SECRETS

réputation. La ressemblance est des plus frappantes, et la composition du tableau est aussi riche que bien entendue. Cette dernière partie n’a été terminée que depuis la mort de cette femme célèbre.

2. — Les Comédiens Français ont donné hier Timoléon. Cette tragédie ne répond point aux espérances que le public avait conçues des talens dramatiques de M. de La Harpe : la charpente en est absolument défectueuse. L’amour, qui en fait la cheville ouvrière, est dénué des grands ressorts qu’il doit faire jouer pour être tragique. Les trois premiers actes ont été reçus avec de grands applaudissemens. L’auteur a paru trop sacrifier aux détails, et s’être départi des principes qu’il avait établis dans sa lettre à M. de Voltaire[1]. La catastrophe, trop ressemblante à l’histoire, laisse contre Timoléon une impression odieuse que ne peut contre-balancer tout son étalage patriotique : en un mot, les reins ont absolument manqué à l’auteur. Dès le troisième acte, il n’a pu suffire à son fardeau dramatique ; la pièce a paru détestable dans tout le quatrième et encore plus dans le cinquième. On remarque une tête pleine de réminiscences et profondément empreinte de son Racine. Il s’est fait à la fin une scission dans le parterre ; on applaudissait et l’on huait alternativement.

5. — On vient de rendre public, par la voie de l’impression, un manuscrit très-singulier, intitulé Causa Societatis Jésus, contra novum magistratum ad gubernationem provinciarum Galliæ petitum anno 1689. Il a été trouvé par les commissaires du parlement de Guienne, dans la maison professe des Jésuites de Bordeaux. Il a été déposé au greffe dudit parlement en manuscrit, pour

  1. V. 19 novembre 1763. — R.