Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
JUIN 1764

temps présent. Ce titre annonce le goût fatal et dépravé du siècle, où l’on parodie les événements les plus sinistres et les plus malheureux. L’incendie dont il est question est celui du Palais-Royal. L’auteur débute par la strophe la plus ridicule et la plus bouffonne……… Il parle ensuite plus sérieusement ; il adule M. le duc d’Orléans ; il peint son âme tendre et sensible, ses inquiétudes à la première nouvelle de cet événement ; il fait dire à ce prince :


Je ne perds point de serviteurs,
Pour moi la perte est donc petite.
Pour de l’argent l’on en est quitte :
Ce ne sont point là des malheurs.

L’enthousiaste prétend que ce sont les propres mots du prince, et qu’ils n’ont pas besoin d’être parés des vains ornemens de la poésie.

7. — Les Comédiens ordinaires du roi ont donné aujourd’hui la première représentation de Cromwell tragédie, par M. Duclairon. Il a choisi le jour de sa mort. Ce sujet, tout impraticable qu’il ait paru jusqu’à présent, n’a point rebuté notre auteur. On a trouvé, dans les trois premiers actes, des morceaux qui ne seraient point désavoués par les maîtres de l’art ; ils ont été unanimement applaudis : on prétend que la matière a manqué au poète dans les deux suivans. On convient que le caractère de Cromwell est fortement dessiné ; mais le vrai défaut de la pièce est que l’auteur n’y ayant mis aucune action historique, on pourrait en changer le titre, et y substituer indifféremment le nom de tout autre tyran.

9. — Nous avons lu un ouvrage de l’abbé Galiani, espèce de dissertation sur l’Art Poétique d’Horace, dans