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nous peint tous les objets sensibles de la nature ! Sa voix est une magie continuelle. C’est tour à tour un rossignol qui chante, un ruisseau qui murmure, un zéphir qui folâtre. Toutes trois font l’admiration, l’amour et les délices des partisans du théâtre lyrique.

La chorégraphie est sans contredit la partie la mieux garnie et la plus parfaite de l’Opéra : Vestris et mademoiselle Lany passent pour les premiers danseurs de l’Europe. Toutes les nations étrangères, qui nous contestent le reste, sont d’accord sur ceci. On a fait l’éloge le plus complet du premier, en disant qu’il nous empêche de regretter Dupré. Il est des gens même, amis de la nouveauté sans doute, qui trouvent le premier plus fini et plus varié dans son jeu.

Quant à la seconde, personne des contemporains ne se rappelle avoir vu une danseuse aussi précise, aussi savante dans ses mouvemens. Le frère de cette dernière est admirable pour la pantomime. Laval et Lyonnois seraient des danseurs sublimes, si Vestris n’existait pas. Tous ces illustres sont doublés par huit ou dix jeunes gens, dont quelques-uns promettent infiniment.

L’Opéra a fait cette année l’acquisition de mademoiselle Allard. Mademoiselle Lyonnois doit voir avec plaisir renaître son enjouement et sa gaieté dans cette agréable danseuse. Elle inspire la joie dès qu’elle paraît, et ce sentiment ne fait point tort à celui d’admiration qu’on lui doit. Mademoiselle Vestris est toujours en possession de la danse voluptueuse et même lascive : c’est ce que lui reprocheront sans cesse les défenseurs des mœurs, et c’est un défaut qu’ils lui pardonneront intérieurement, tant que le physique aura quelque empire sur eux. De très-jolis minois décorent délicieusement les ballets, et les