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MÉMOIRES SECRETS

donner toute la vigueur et les proportions convenables.

24. — Il paraît une magnifique édition des Poésies Sacrées de M. Le Franc de Pompignan, ornées de toutes les grâces typographiques et de la magnificence du burin de M. Cochin. Cet auteur tant mystifié, tant bafoué par M. de Voltaire[1], a cependant du mérite : il y a dans ses Odes des strophes dignes de Rousseau ; ses Discours tirés des Livres Sapientiaux sont pleins d’une philosophie sublime, enrichie d’une poésie vive, nerveuse et pittoresque.

25. — Aujourd’hui M. l’abbé Rousseau a prononcé, devant messieurs de l’Académie Française, le panégyrique de saint Louis. Le père Élysée, assez fameux prédicateur, a fait le même panégyrique devant messieurs de l’Académie des Sciences et de celle des Inscriptions.

Cette après-midi, on a adjugé le prix d’éloquence à M. Thomas, cet athlète invincible, couronné tant de fois qu’on ne peut nombrer ses victoires. Le sujet était l’Éloge de Sully. MM. Saurin, Duclos et Watelet se sont relevés successivement pour achever la lecture de ce long ouvrage. On a été surpris du ton dogmatique et libre qui y règne : plusieurs endroits sont une satire amère de l’administration actuelle ; mais le moyen de louer un tel ministre sans critiquer ceux qui ne lui ressemblent pas ! La séance a fini sèchement, M. d’Alembert, qui est en possession d’égayer l’Académie par quelque caricature du jour, étant encore auprès du roi de Prusse.

26. — Hier s’est faite l’ouverture du Salon avec toute

  1. Dans une foule de pamphlets, et principalement dans le Pauvre Diable où se trouvent ces vers devenus proverbes :

    Tenez, prenez mes Cantiques sacrés.
    Sacrés ils sont, car personne n’y touche.

    — R.