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MÉMOIRES SECRETS

sous toutes sortes de formes. Il vient d’en produire un en manière de dialogues, intitulé les Hasards du coin du feu. Ce sont des aventures plus que communes, sous, un titre neuf, des pensées très-ordinaires et déguisées sous des propos rompus, entortillés, précieux. Du jargon, en un mot, et des impertinences, voilà le livre décomposé.

7. — Malgré la proscription générale, les Fêtes de la Paix ont reparu aujourd’hui. Favart a fait entendre qu’il n’avait donné que son brouillon : c’est à présent la pièce au net. Depuis quelque temps les auteurs ont abusé de l’indulgence du public, au point de paraître ainsi en robe de chambre à ses yeux pour essayer s’il voudra bien le souffrir sauf à faire leur toilette ensuite. Quoi qu’il en soit, au moyen de beaucoup de retranchemens et de quelques inversions, cette pièce est ressuscitée, et la Thalie du sieur Favart se tient aujourd’hui sur ses deux brodequins. Bien des gens présument qu’elle a été relevée par l’abbé de Voisenon. Quoiqu’il ait affecté de nier constamment qu’il ait eu aucune part à l’Anglais à Bordeaux, ses amis de cœur ont découvert qu’il avait pourtant été piqué de l’impudence de quelques journalistes à soutenir qu’elle était en entier de Favart. Il l’a malicieusement voulu laisser marcher seul cette fois-ci. L’horrible culbute qu’il a faite a vengé l’abbé assez dignement ; il a bien voulu lui prêter son appui pour rendre ce drame un peu supportable ; il est trop vicieux radicalement.

8. — Le sieur Favart a obtenu de la cour 1000 livres de pension pour avoir fait la pièce de l’Anglais à Bordeaux. C’est encore l’abbé de Voisenon qui a sollicité cette faveur pour son protégé. Son activité en cette occasion, bien opposée à son caractère d’indolence, con-