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MÉMOIRES SECRETS

présentation de la Manie des Arts, ou la Matinée à la mode, comédie en un acte et en prose, que nous avons déjà annoncée. C’est une pièce en scènes à tiroir, sans intrigues et sans dénouement. C’est un homme de condition qui a la fureur de savoir tout, de faire de tout, et de protéger tout. Il a sous ses ordres des subalternes de différens arts, disposés à ployer sous ses caprices. Il s’ensuit des scènes fort ridicules et d’un bon comique. Après plusieurs allées et venues de cette espèce, on vient annoncer qu’on a servi, et les acteurs s’en vont. Cette fin n’a pas été du goût de tout le monde, et a essuyé beaucoup de critiques. Comme cette comédie avait été applaudie jusque-là, elle a pourtant passé. L’auteur prétend qu’un acteur a supprimé de son chef un monologue qui devait clore la pièce beaucoup mieux : c’est à la seconde représentation qu’on en jugera.

2. — On débite un bon mot de mademoiselle Arnould, très-fin et très-joli, mais dont nous doutons qu’elle ait les gants. Ces jours derniers, mademoiselle Vestris, Italienne de naissance, et dont les goûts divers sont très-connus, se récriait sur la nouvelle fécondité de mademoiselle Rey ; elle ne concevait pas comment cette fille s’y laissait prendre si facilement : « Vous en parlez bien à votre aise, répond l’actrice enjouée ; une souris qui n’a qu’un trou est bientôt prise. »

3. — Il paraît depuis quelques jours aux Français une nouvelle actrice dans les rôles de soubrette : c’est mademoiselle Luzi, fort annoncée depuis quelque temps, et que Préville formait avec le plus grand soin. Elle n’a point trompé l’espérance publique : elle a de la taille, de l’aisance, plus de finesse que de naturel. Il faut voir comment elle se soutiendra.