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MAI 1763

vive, gaie et réjouissante : c’est mademoiselle Allard. Un malheureux accident survenu chez elle au duc de Mazarin, la met dans le cas de quitter Paris et de demander sa retraite. Ce seigneur, passionnément amoureux d’elle, l’entretenait depuis fort long-temps. On a prétendu que cette actrice était peu fidèle, suivant l’usage ; qu’un rival s’est trouvé chez elle, et que le malheureux duc a essuyé un traitement peu digne d’un homme de sa qualité. Il a la tête cassée ; voilà le certain ; du reste, des propos sans fin, des lamentations, des jérémiades de la part de l’héroïne, des invectives, des horreurs de la part de ses camarades femelles, et une fermentation générale dans le public.

21. — Les presses gémissent sans interruption pour le compte de M. de Voltaire. Les Cramer donnent une nouvelle Histoire générale de cet auteur, très-augmentée, puisqu’elle est en huit volumes. Quand l’âge n’aurait rien ôté à cet auteur du brillant du style et de l’agrément des réflexions, il n’est pas possible qu’il ait la profondeur, et surtout l’exactitude sur laquelle est fondée la véracité, première qualité d’un historien.

23. — Les Italiens ont joué aujourd’hui, pour la seconde fois, une comédie en un acte et en prose, mêlée d’ariettes, paroles du sieur de la Ribardière, et musique du sieur Debrosses. Elle est intitulée les Deux cousines. Il y a dedans un personnage neuf, mais peu piquant, et d’ailleurs trop particulier : c’est un homme qu’on pourrait appeler l’Indifférent. Son unique plaisir est de se promener ; du reste, qu’on le marie, qu’on ne le marie pas, qu’on lui accorde telle ou telle femme, tout cela lui est à peu près égal. Effectivement il agrée les deux cousines, tantôt l’une, tantôt l’autre, suivant que l’intrigue le