Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
MAI 1763

Salaberry[1]. Le tout a été passablement joué, en général ; mais les deux sœurs ont excellé, surtout la comtesse : elles seraient applaudies sur la scène française.

La musique de la seconde pièce est de M. Dupin de Francueil. La comédie est froide, et l’auteur n’a pas tiré tout le parti possible du sujet. La courtisane, trop langoureuse, fait des avances peu décentes sur le théâtre, quoique elles soient naturelles dans le conte. Il y a des détails agréables. La pièce est écrite élégamment et avec facilité. On y reconnaît une plume chaste, qui ne se permet pas la plus légère plaisanterie, quelque susceptibles qu’en fussent le sujet et le lieu. La musique est bonne, bien nourrie. On reproche à l’auteur des longueurs et beaucoup de réminiscences. L’aînée Verrière faisait le rôle de la courtisane ; sa sœur, la soubrette ; mademoiselle Villette, une marchande de modes ; Le Jeune, l’amoureux ; et La Ruette, le valet. Ce spectacle fort amusant était soutenu d’un orchestre bon et nombreux : en un mot, rien n’y manqua ; il y avait fort bonne compagnie.

9. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation de la Mort de Socrate, tragédie en trois actes et en vers, dont on a déjà parlé. Ce sujet, très-froid par lui-même, se réduit à une accusation, à un jugement et à un supplice. Il a fallu se sauver par des morceaux de détail, où l’auteur a réussi. Sa versification paraît nerveuse : il y a des choses fortement peintes, et le rôle de Socrate est très-beau ; celui de la femme est trop ressemblant pour le théâtre ; les autres ne sont pas

  1. Le président de Salaberry, mort en 1793 sur l’échafaud révolutionnaire, était père de M. de Salaberry, membre de la chambre des députés depuis 1815. — R.