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MÉMOIRES SECRETS

tant de sensation que celle de mademoiselle Dangeville.

17. — La seconde représentation de l’Anglais à Bordeau, donnée hier, a eu le plus grand succès. On avait demandé l’auteur dès la première représentation. Mademoiselle Hus s’était avancée sur le théâtre pour dire qu’il n’y était pas ; mais le public ne lui donnant pas le temps de s’expliquer, toutes les fois qu’elle ouvrait la bouche, elle s’était retirée. Bellecour lui avait succédé, et ayant eu plus de patience, avait fait entendre cette excuse au parterre, « Qu’il le nomme donc ! » s’était-on écrié. L’acteur a répondu que c’était M. Favart. Aujourd’hui les clameurs ont recommencé. Le pauvre diable a été traîné par deux comédiens sur le théâtre « et y a reçu malgré lui la bordée des applaudissemens du public.

19. — Les Français ont fait leur clôture aujourd’hui par Tancrède. C’était mademoiselle Dubois qui faisait le rôle d’Aménaïde : elle a eu beaucoup de partisans, et a été singulièrement applaudie. On ne peut cependant se dissimuler que c’est un rôle au-dessus de ses forces : elle n’a pas assez d’âme pour le jouer en beaucoup d’endroits, encore moins assez de dignité. Quoique bien bâtie elle a des bras ignobles et trop grands pour avoir un beau geste. Au reste, ce qui décide la question, c’est la tendresse affectueuse avec laquelle mademoiselle Clairon l’a complimentée et embrassée ; on en peut conclure qu’elle l’a jugée hors d’état de pouvoir l’atteindre ; sa jalousie n’aurait pu y tenir, mademoiselle Dubois ayant déjà l’irrémissible défaut d’être jolie.

21. — Il se trouve à Paris un arrière-petit-fils de Racine par les femmes : comme il ne reste aucun mâle, que le dernier mort et son fils avaient très-peu joui de leurs entrées, droit héréditaire dans une famille aussi illustre