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MARS 1763

Et chargeant de son poids un ministre suprême,
De garder pour eux seuls l’éclat du diadème.

À tant de défauts, l’auteur avait joint la maladresse de choisir pour son héroïne mademoiselle Dubois, très-jolie créature, mais actrice peu faite pour soutenir une pièce. Mademoiselle Clairon, peu jalouse des talens de cette audacieuse, mais beaucoup de sa figure, avait formé un très-grand parti pour la faire siffler. Il n’en était pas besoin ; l’actrice, la pièce et l’auteur ont éprouvé une chute commune. On prétend que M. Dorat, plus curieux de couronner son front de myrtes que de lauriers, étant devenu amoureux de l’héroïne, avait sacrifié sa gloire à son plaisir. Heureusement il n’a pas sacrifié grand’chose.

3. — M. Framery[1], écolier du Plessis, âgé de dix-sept ans et demi, vient de faire pour la Comédie Italienne une petite, pièce qu’il avait d’abord intitulée la Nouvelle Ève. On lui a conseillé de substituer le titre de Pandore. Il y a de jolies choses, et elle promet du talent dans un âge aussi faible. Il était à craindre que la police ne lui fît beaucoup d’accrocs, comme cela vient d’arriver.

4. — Arlequin valet de deux Maîtres, comédie italienne en cinq actes de M. Goldoni. On ne peut guère rendre compte de pareilles pièces, écrites en langue étrangère, et dont le héros est Arlequin, qui varie ses rôles et les rend à sa fantaisie. On ne conçoit guère pourquoi les Italiens ont pensionné de deux mille écus un auteur qui ne leur est pas d’une plus grande utilité. On espérait que le sieur Goldoni monterait sur la planche : appa-

  1. Nicolas-Étienne Framery, né à Rouen le 25 mars 1745 ; mort le 26 novembre 1810. La pièce dont il est ici question n’a point été imprimée. — R.