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MÉMOIRES SECRETS

Ier Mars. — M. l’abbé Le Gendre, rival de M. l’abbé de Lattaignant dans le genre des chansons, a réformé ainsi celle qu’on a déjà vue sur la réforme.

Sur l’air : De tous les capucins du monde.

Brave officier, bon militaire,
La réforme te désespère,
Que cela ne t’attriste pas !
Je veux que tu t’en glorifie ;
Jésus est dans le même cas,
On réforme sa compagnie.

2. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation de Théagène et Chariclée, tragédie de M. Dorat. Le sujet est tiré du roman grec qui porte le même titre. La pièce est détestable. Le premier acte avait disposé favorablement les spectateurs ; il avait eu des applaudissemens ; dès le second, l’ennui s’est fait sentir, et n’a été qu’en croissant jusqu’à la fin. En général, mauvais choix, mauvais plan, caractères ignobles, plats, odieux, mal soutenus ; échafaudage pitoyable : tout dénote une petite tête, point faite pour un enfantement dramatique. La versification mérite des éloges ; elle est douce, bien faite ; il y a une tirade contre les rois héréditaires, qu’on prétend avoir le droit de vivre dans la mollesse et dans les plaisirs, qui a été extrêmement applaudie, et qui n’aurait point dû être tolérée par la police[1] ; tout le monde en a été dans le plus grand étonnement. La voici :


Au trône, du berceau ces monarques admis,
Ont droit de végéter dans la pourpre endormis,

  1. Marin, censeur de la police, fut mis, dit-on, à la Bastille pour avoir laissé passer ces vers. Il n’y resta que vingt-quatre-heures. — R.