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NOVEMBRE 1762

10. — M. le comte de Caylus a lu à l’Académie de Peinture, le 4 septembre, un Éloge d’Edme Bouchardon, sculpteur du roi ; il vient d’être imprimé. Rien de plus mal digéré, de plus informe, de moins honorable pour M. Bouchardon. Il est d’ailleurs mal écrit : ce sujet était digne d’une meilleure plume.

11. — M. Séguier, ce grand avocat-général, se délasse quelquefois entre les bras des grâces et des muses des travaux importans auxquels sa charge l’assujettit. Voici une chanson[1] très-agréable qui a passé dans toutes les bouches des jolies femmes de Paris :


AuTous mes souhaits et ma plus forte envie,
Auraient été d’être un nouveau Crésus ;
Des riches dons d’Amérique et d’Asie
J’aurais tâché d’amasser tant et plus ;
Non pas pour moi ; c’eût été pour ma mie :
Sans elle, hélas ! en aurais-je voulu ?

AuD’être un héros j’aurais eu la manie ;
Mars m’aurait vu suivre ses étendards ;
L’antique amour, l’amour de la patrie
Ne m’eût point fait affronter les hasards :
L’espoir d’offrir mes lauriers à ma mie,
Seul m’eût frayé la route des Césars.

AuD’être un Apelle il m’aurait pris envie,
Mais sans daigner travailler pour les rois ;
Si, de Rubens imitant la magie,

  1. Elle est attribuée à Fontenelle par Grimm (Correspondance littéraire, 20 août 1776) qui la donne comme adressée à madame Geoffrin. Il y a deux couplets de plus que nous ne rapportons point ici parce qu’ils nous semblent contraster avec le ton général de la pièce et n’être pas de la même main. — R.