l’église. La veuve qui avait été choisie pour la soigner l’accompagna. Là, elle passa environ six années, sinon heureuse, du moins ses douleurs étaient adoucies par la prière, ce baume divin qui cicatrise les plaies du cœur le plus ulcéré. Elle pouvait aussi se livrer aux ouvrages qui lui apportaient quelques distractions. Et si parfois elle sortait de sa demeure, après les instances du curé et du médecin, elle était certaine de rencontrer toujours des regards et des paroles affectueux, bienveillants et sympathiques de la part de tous ceux qu’elle voyait.
Ainsi s’écoulait sa vie, lorsqu’un matin on vint prévenir le vénérable curé que quatre personnes l’attendaient dans le salon. Ces quatre personnes c’étaient : M. St.-Aubin et son enfant, Jean Renousse et sa femme.
En effet, depuis que M. St.-Aubin avait retrouvé Hermine, il ne lui restait plus qu’un seul désir, une seule pensée. À présent qu’il avait des détails précis sur l’endroit du naufrage, détails qu’il avait eus par la femme de Jean Renousse, son plus ardent désir était de visiter la tombe de son épouse, car, peut-être par quelques papiers trouvés sur elle, aurait-on pu distinguer sa tombe de celle des autres naufragés. Les renseignements fournis par la femme de Jean Renousse étaient si précis qu’il n’y avait pas de doute qu’elle avait dû être enterrée au pied du cap ou dans le cimetière du village, et nul n’était plus à portée de leur donner les informations nécessaires que le curé de la place ; aussi, étaient-ils venus s’adresser à lui directement. M. St.-Aubin commença par donner son nom au vénérable prêtre, lui exposa le but de sa visite et lui raconta son histoire.
À mesure qu’il parlait, l’attention du curé se trouvait, de plus en plus éveillée. Entraîné par la chaleur du récit, ce ne fut que quand il eut fini de parler que M. St.-Aubin s’aperçut de l’émotion extraordinaire de celui qui l’écoutait et qu’il vit des larmes couler de ses yeux.
— M. St.-Aubin, répétait le bon prêtre, comme se parlant à lui-même : Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! serait-il possible ?
Puis dominant son émotion :
— Une femme, dit-il, d’une condition qui n’est pas ordinaire, est aujourd’hui la seule survivante du naufrage du « Boomerang » Et cette femme est une dame acadienne.
— Une dame acadienne ! répéta M. St.-Aubin en se levant d’un mouvement tout autonomique ; puis pâle, comme un mort !