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arrivant, il apprit le désastre du «  Boomerang », et que la seule personne survivante du naufrage, était une pauvre misérable folle qui vivait de la charité publique. Rien ne pouvait, d’après les renseignements qu’il put obtenir, lui fournir aucune trace du sort de son épouse et de son enfant ; indubitablement elles devaient avoir eu la destinée des autres naufragés. Atterré, comme on le suppose, par ces terribles détails, M. St.-Aubin trouva dans la religion quelques consolations, et en lui-même un reste d’énergie. À force de travail, de soins et d’économie, il avait réussi à fonder, aux Trois-Rivières, endroit qu’il avait choisi à cause de son isolement et du genre de commerce qu’on y faisait, une maison déjà florissante au moment où nous parlons. Ce lieu, d’ailleurs, convenait à sa tristesse.

Telle était sa position le matin du jour où les canots sauvages vinrent y aborder.

Inutile de dire que les toilettes étaient faites. Chaque indienne était dans ses plus beaux atours, et les sauvages eux-mêmes avaient revêtu leurs plus brillants costumes. Tout naturellement on se dirigea vers la maison de M. St.-Aubin pour lui offrir les fourrures. Mais la plus pressée, la plus joyeuse et la plus désireuse de voir un magasin avec les richesses qu’il étale, c’était, on le devine, c’était Hermine. Jean Renousse lui avait raconté des choses si merveilleuses qu’on voit dans un magasin. Aussi entra-t-elle avec empressement et une naïve curiosité, avec les autres indiens dans celui de M. St.-Aubin. Mais son ami, comme on appelait Jean Renousse, n’avait pu les suivre immédiatement. Les pelleteries furent exhibées et soigneusement examinées par M. St.-Aubin et ses employés. Les prix furent fixés, les marchés conclus ; il ne s’agissait plus que des échanges pour ceux d’entre les sauvages qui avaient besoin d’effets. Comme on le pense bien, chacune des femmes indiennes s’empressa de choisir les étoffes aux couleurs les plus brillantes.

Mais une jeune fille, toutefois, se tenait un peu à l’écart, M. St.-Aubin le remarqua.

— Pourquoi donc, lui dit-il, ma petite sœur ne vient-elle pas aussi prendre quelques-uns de ces jolis draps ? Ne lui conviennent-ils pas ou préfère-t-elle de l’argent ?

— C’est, répondit la jeune fille à laquelle il s’adressait, que mon ami n’est pas arrivé et, que ma grande sœur attend qu’il