Page:DeGuise - Le Cap au diable, 1863.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 30 —

ses traces. Comme pour m’encourager ou s’assurer peut-être si je le suivais, il revenait quelquefois sur ses pas, recommençait son même manège et reprenait toujours sa même direction. La nuit était venue, mais la lune était brillante. Enfin il commençait à se faire tard et j’étais fatigué.

« J’allais, tout en pestant contre ma folie d’avoir suivi le chien si loin, me préparer un nouvel abri, lorsque j’aperçus au travers des arbres un lac d’une assez grande étendue. Je résolus de m’y rendre. Grande fut ma surprise de voir trois cabanes sauvages reposant sur les bords.

« Je m’approchai avec précaution, craignant qu’ils ne fussent des ennemis, mais je ne tardai pas à m’apercevoir qu’ils étaient une tribu amie. L’intelligent animal courait toujours devant moi. J’entrai dans la hutte où je l’avais vu s’enfoncer. Là une enfant chaudement enveloppée dans d’épaisses couvertes, dormait sur un bon lit de sapins ; une jeune fille était occupée avec sa mère à préparer des peaux, mais son travail ne l’empêchait pas de jeter, de temps à autre, un coup d’œil de sollicitude sur l’enfant. Un bon feu brillait au milieu de l’enceinte, et le père dormait dans le fond. Ma brusque apparition l’éveilla et tous trois poussèrent ensemble un wah ! de surprise. Je tendis la main au père pour lui demander l’hospitalité, elle me fut accordée de tout cœur. Je pris donc place auprès du feu et leur racontai par quelle aventure je m’étais rendu jusque là.

« Cependant les allures de Phédor m’intriguaient vivement. Couché auprès de l’enfant, bien qu’il en eût à plusieurs reprises été repoussé, il y revenait incessamment, lui léchant la figure et les mains. L’enfant soudainement éveillée s’assit toute droite sur sa couche, la lueur éclaira son visage. Je poussai un cri et m’élançai vers elle ; je la pris dans mes bras et l’embrassai avec transports, puis la couvris de mes larmes. J’avais reconnu ma petite Hermine, l’enfant de mon ancien bienfaiteur. Ne comprenant rien à cette conduite, mes trois hôtes s’étaient levés spontanément ; mais leur surprise fut encore plus grande, lorsqu’ils virent la petite me passer familièrement les mains dans la figure, chose qu’elle me faisait autrefois quand je lui avais fait plaisir, la chère enfant m’avait reconnu elle aussi. Je m’empressai alors de leur raconter en quelques mots notre histoire, et demandai par quelle aventure l’enfant se trouvait au milieu d’eux.