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était clair qu’on avait en vue une fête ou quelqu’événement qui n’était pas ordinaire.

Parmi elles, on eût pu remarquer une jeune indienne, du moins elle en portait le costume, qui confectionnait ses ornements avec un goût et une délicatesse plus exquis que ses compagnes. En l’examinant de plus près, on eût été bien surpris de voir sous sa pittoresque coiffure, de longs et soyeux cheveux blonds. Son teint était un peu halé, mais ses joues n’étaient pas saillantes comme celles des autres jeunes filles qui l’entouraient. Ses beaux yeux bleus étaient d’une douceur ineffable. Évidemment, il n’y avait chez elle aucun sang sauvage.

Quand elle eut terminée son ouvrage, elle s’approcha d’un des chasseurs qui causait avec ses camarades, puis lui mettant amicalement et familièrement la main sur l’épaule, elle lui dit : «  Quand donc, mon ami, nous rendrons-nous aux Trois-Rivières ? Il me tarde de voir toutes les belles choses dont tu m’as parlé. » Celui à qui elle adressait ces paroles, lui répondit avec amour : «  Demain, ma fille, lorsque la première étoile du matin brillera, nous serons dans nos canots et en route ; et le soleil ne sera pas encore haut lorsque nous serons débarqués. » Puis la joyeuse jeune fille retourna gaiement annoncer à ses compagnes la bonne nouvelle et toutes ensemble elles manifestèrent une joie éclatante.

«  D’où vient donc, dit un des sauvages à celui auquel la jeune fille venait de parler, d’où vient donc l’amour et l’amitié que ta femme et toi, vous portez à cet enfant ?  » Celui-ci reprit : « Ah ! c’est une longue et triste histoire, je la connais depuis longtemps cette chère petite, et l’ai, pour ainsi dire, vu naître ; et toi, mon frère, si tu peux parcourir les bois à côté de Jean Renousse, lui presser les mains et le voir chasser avec toi, c’est à ses parents que tu le dois, car ils l’ont bien souvent empêché de mourir de faim quand il était jeune. Qu’il me suffise de te dire, pour le moment, que j’ai cru l’avoir perdue pour toujours. Ses parents habitaient autrefois l’Acadie, je demeurais auprès d’eux ; son père lui fut un jour violemment arraché, toutes leurs propriétés furent brûlées, sa mère fut contrainte de se sauver avec les autres dans les bois ; ce que souffrirent la mère et l’enfant, qui n’étaient pas habituées à la vie que nous menons, je ne puis te le dire. Au printemps, sa mère résolut de venir ici en Canada. Elle pensait