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cherche : la meilleure. En revanche, son vers a horreur de la cheville et du vide, car il renferme toujours une pensée ; il n’est pas donné à tous les poètes d’écrire pour dire quelque chose.

Le volume de vers qu’il a publié porte pour titre : Les Échos. Pourquoi ce titre ? L’auteur l’explique dans une introduction remarquable d’élévation et d’élégance : « parce que la poésie, qu’on l’appelle chant ou harmonie, n’est vraiment qu’un écho de chants et d’harmonies que le poète entend et qui lui viennent du monde idéal. » Il y a, dans ce volume, des pages dignes des meilleurs poètes français, et plusieurs journaux de France l’ont accueilli favorablement. La Revue du Monde catholique, après l’avoir apprécié et en avoir reproduit de nombreux extraits, disait : « On voit que la plume est facile, les sentiments élevés et patriotiques, l’inspiration toute chrétienne. M. Routhier a orné sa couronne littéraire, déjà si brillante, d’un nouveau fleuron qui, certes, ne la déparera pas. »

Citons une des pièces les plus courtes du recueil, datée de La Malbaie, 1881 :

La nuit sur l’horizon étend ses grandes ailes ;
Mais, grâce à Dieu, la nuit n’a pas d’ombres, ce soir.
La lumière rayonne aux voûtes éternelles
Et, sur un pan du ciel, comme un grand ostensoir,
La lune monte, monte, et de clartés inonde
Les montagnes, la mer, les vallons et les bois
La nature se tait : on dirait que le monde,
Pour mieux voir ce tableau, retient sa grande voix.

Au firmament d’azur, d’innombrables étoiles
Étincellent partout comme des diamants.
Pendant qu’à l’Occident, pliant ses sombres voiles,
Un lourd nuage fuit leurs rayons éclatants.
De célestes lueurs scintillantes, embrasées,
La mer, en se calmant, semble se réjouir.
Le rivage s’endort, et la vague apaisée
Ose à peine se plaindre en y venant mourir.

Je chante en contemplant ces scènes toujours belles,
Et mon âme vers Dieu se plaît à remonter.
Qui sait si cette lune, aux splendeurs immortelles.
N’est pas son œil divin, revenant visiter
Notre globe, qu’il aime en dépit de ses fanges ?
Et ces astres sans nombre, illuminant la nuit,
Qui sait s’ils ne sont pas les prunelles des anges
Dont la troupe fidèle en l’adorant le suit ?