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Ils furent si éloquents les yeux de Berthe que la femme du capitaine se dit :

— Il ne me trompe pas, la chère petite l’aime aussi.

…Cela se voit.

La première personne qui parut indiquée à Malcie pour une requête, fut sa mère.

Ces deux femmes se trouvant seules, quelques heures plus tard, dans le petit salon du premier étage. Mme d’Anicet ne laissa pas échapper l’occasion.

Ni M. d’Hallon, ni Jean n’étaient encore rentrés.

— Mère, commença Malcie, toute rieuse, j’ai besoin de votre aide.

— Je trouve que cela arrive quelquefois mon enfant.

— Je suis absolument de votre avis, mère. À qui irai-je, sinon à vous, quand je désire quelque chose ?

— Je vous préviens que je suis à sec.

— Pas tout à fait. Du moins, je le souhaite.

…Je ne fixerai rien. Vous donnerez ce que vous voudrez.

— De quoi s’agit-il ?

— Droit au but, n’est-ce pas ? Vous avez raison. Les phrases ne conduisent à aucun résultat.

…Chez nous, nous n’aimons pas les obliques.

…Vous ne m’avez pas habituée à des tergiversations et je suis encore ce que vous m’avez faite.

Mme d’Hallon attendait.

Malcie continua :

— J’ai parmi mes protégés…

— Est-ce que vous avez conservé cette manie de courir après les misérables ?

— Que voulez-vous que je fasse ? Lorsque je ne vais pas à eux, ils viennent à moi.

— Vous avouerez que ce n’est pas moi qui vous ai inculqué ce goût. J’exècre cela.

…Vous arriverez, ma chère, à avoir une cour de loqueteux.

Un joli rire de la jeune femme s’égrena dans l’appartement.

— Je vous assure que, dans le nombre, il en est de très intéressants.

— Je n’en doute pas, des manchots, des infirmes, des gens qui vous soutirent tout ce qu’ils peuvent, et qui, vous partie, ne se souviennent pas seulement de votre nom. Très joli encore s’ils ne se moquent pas de vous ?

— Quelques-uns peuvent avoir l’oubli facile. Il en est d’autres qui sont dignes d’intérêt et très reconnaissants.

— Si cela vous plaît… Chacun prend son plaisir où bon lui semble ! En tout cas, soyez prudente. N’apportez pas d’épidémie des taudis et des mansardes où vous pénétrez. Vous êtes mère de famille. Vous avez besoin de votre santé ! Vous ne devez pas vous exposer.

— Non, mère, non, je ne rapporterai rien de tout cela. Ne craignez pas.

— Ne vous montrez pas trop crédule non plus. Ces gens-là cachent leur vie la plupart du temps. Ils mentent.

— Lorsqu’on ne dit pas la vérité, mère, cela se devine. Les fourbes, les hypocrites sont toujours pris dans leurs pièges.

Il y eut un très court silence.

— Tout cela ne m’explique pas ce que vous désirez.

— Il s’agit d’un jeune artiste fort intéressant.

— Je m’en doutais. Ils sont toujours très intéressants… Il y a toujours eu dans leur vie des fatalités… des revers de fortune… un petit boniment préparé pour la crédulité des naïfs.

— Pour celui-ci, mère, on ne peut nier. Vous-même vous vous rendriez à l’évidence.

— Et il est sans le sou, n’est-ce pas, et vous faites la quête pour lui ? Je vous vois venir.

— Je crois bien qu’en fait de ressources il ne possède que son art.