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Comme il était fier que cette adorable créature soit la sienne !

Son cou aux lignes pures, son buste souple, ses bras ronds, potelés, firent courir un frisson de désir et de jalousie dans ses veines.

Oui, il y avait de tout cela dans ce soulèvement de lui-même.

Il la regarda entrer, fermer la porte, il recueillit le sourire enivrant de ses lèvres pourpres, et dès qu’ils furent dans le nid calfeutré, il ouvrit ses bras et l’attira si violemment contre lui que Malcie laissa échapper un petit cri.

Moins troublée, elle eut certainement senti battre le cœur de Jean sous l’uniforme.

— Dis donc, mère, est-ce que j’aurai un mari moi aussi, demanda la fillette.

— Certainement, mignonne.

— Un petit mari gentil comme papa ?

— Oui, ma chérie.

Malcie emmena sa fille dans le cabinet de toilette pour redresser le ruban bleu posé tout drôlement dans les cheveux de soie blonde.

Jean rentra dans son cabinet. Machinalement, ses yeux tombèrent sur le panneau de la cheminée décorée d’une panoplie. Des épées, des yatagans, des revolvers, en tout une dizaine.

Sa pensée travaillait toujours.

Il eut un geste du côté des armes.

— Une preuve ! une seule preuve !… Le nom du manant, et ça ne fera pas un pli ! Je n’ai pas pris des leçons d’armes pendant cinq ans pour aller tuer des loriots dans le bois de Meudon !… Au Bon Marché ?… Elle n’y a pas mis les pieds, au Bon Marché !… J’en mettrais la main au feu.

Longtemps il resta plongé dans ses réflexions. Tantôt il marchait de long en large d’un pas nerveux.

Tantôt assis devant sa haine, la tête dans ses mains, il cherchait à trouver des indices, des expressions, de ces choses qui reviennent à la mémoire dans les heures tragiques et qu’on est stupéfait de ne pas avoir remarquées plus tôt.

Malgré lui, il arrivait toujours à la même conclusion.

« Il y a quelque chose.

Et ce quelque chose, il voulait le découvrir avant même que rien n’ait éclaté.

Lui, la risée du régiment ?

Ah ! non !

Une demi-heure plus tard, il sonna,

Son valet de chambre arriva.

C’était un Breton qui avait vu grandir Jean. Celui-ci l’avait pris à son service au moment de son mariage.

D’un dévouement de chien, il se serait fait hacher plutôt que de désobliger son maître.

À l’office, on se tenait devant lui sur une certaine réserve.

On trouvait quelquefois sa présence gênante.

L’honnête serviteur avait l’air de ne pas comprendre.

Fulbert ?

— Monsieur.

— Où est madame ?

— Dans sa chambre avec Mlle Colette. La nounou vient de monter. On fait la toilette du petit monsieur et de la petite demoiselle.

— Écoute-moi.

Le vieux domestique regarda son maître. Il lui trouvait un air étrange, les traits étirés, un regard fixe qui n’étaient ni l’air ni le regard habituels du capitaine.

— Quand le courrier arrive, où porte-t-on la correspondance. Ici ou en bas.

— La plupart du temps, c’est moi qui la prend à la loge. Je dépose au premier les lettres du premier et je porte ici les lettre d’ici. C’est-il qu’il en manquerait une à monsieur ?

— Non. Es-tu sûr de la concierge ?

— Oui, monsieur. C’est une brave femme. Elle n’est pas capable d’un détournement. Pourquoi donc que monsieur le capitaine me fait ces questions ?