être, non un sec catalogue de vers, mais le Mémorial d’une Race.
La fin du dix-neuvième siècle a été, pour la poésie méridionale, une ère exceptionnelle de prospérité et de splendeur. Nous sommes demeurés les pourvoyeurs intellectuels de la France. Notre littérature, inventée au premier siècle par le phocéen Pétrone, vivifiée par Pétrarque dans les eaux salubres de la Fontaine de Vaucluse, s’épanouit, avec Mistral et Rostand, en un aboutissement magnifique. À cette heure, nous dominons et dirigeons le mouvement poétique. Nous avons imposé au Nord notre hygiène d’art. L’esprit français, enténébré par les brumes ibséniennes, oblitéré par les apports étrangers, vacillant dans les œuvres des « mauvais maîtres », l’esprit français a été régénéré en prenant pour antidotes la liqueur virgilienne de Mireille et la verve picaresque de Cyrano de Bergerac, bienfaisante comme une lampée de vieil Armagnac. La poésie a été méridionalisée, comme Nietzsche souhaitait que le fût la musique. « On dirait, conclurons-nous avec M. Jean Carrère, que l’Hellade veille toujours sur sa fille, la France, et quand on croit que le génie de notre race va dépérir, l’immortelle aïeule nous envoie un messager. »