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« Une foule de touristes couvrait le pont, le salon et la dunette du bateau, les toilettes jetaient des rayonnements, et les femmes, éblouissantes de grâce, gazouillaient, et leur rire sonore, argentin, éclatait en tout sens comme des trilles d’oiseau.

« Le ciel était radieux, la brise pleine de parfums, de chants et de murmures, et le Saint-Laurent, enivré de l’effluve matinal, allongeait sa vague brodée d’écume.

« Il y avait de la joie sur tous les visages.

« Pourquoi cette joie ?

« Parce que les promeneurs allaient accomplir une noble action, réparer l’ingratitude de tout un peuple, donner à la veuve d’un martyr de la liberté un peu d’or et de gloire pour essayer de la consoler de quarante-quatre années de deuil, de souffrance et d’humiliation.

« Parmi tant de voyageurs, il y en avait un surtout qui jouissait beaucoup. C’était M. L.-O. David, de La Tribune, celui dont le nom est désormais uni à ceux des héros de 1837, dont la parole et le zèle ont réchauffé les cœurs, ont fait que les Canadiens se sont souvenus qu’à quelque distance de Montréal la femme et les filles d’un héros vivaient dans l’oubli. M. David était heureux, car il avait rencontré des hommes dévoués qui lui avaient aidé dans son œuvre philanthropique, car, à son côté, M. Beaugrand tenait en portefeuille la somme de mille dollars, le produit de diverses contributions, qu’il allait, dans un instant, remettre à la veuve de Thomas Chevalier de Lorimier.

« Quand le vapeur toucha le quai de l’Assomption, une foule immense, accourue sur le rivage, salua chaleureusement les visiteurs, et des salves de mousqueterie éclatèrent dans l’espace.

« À ce moment, l’immortel Thomas Chevalier de Lorimier dut tressaillir dans sa tombe, quand l’écho répéta de ravins en ravins les applaudissements de ceux qui