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douleur était ce qui le faisait le plus souffrir, la pensée de leur avenir, ce qui le tourmentait le plus. Elles qui avaient tant compté sur lui pour vivre, qui l’avaient tant aimé, il mourait au moment où il aurait pu leur être utile, rendre à sa mère bien-aimée ce qu’elle avait fait pour lui ! Il se reprochait quelquefois de leur causer tant de chagrin, d’avoir compromis le bonheur de toute leur vie, peut-être. La dernière fois qu’il vit sa mère, il lui dit :

« Je m’étais promis de faire une position heureuse à mes chères petites sœurs ainsi qu’à vous-même ; ma folle précipitation a déjoué mes projets, détruit vos espérances et les miennes. C’est mon seul regret, mon seul remords. Mais croyez, ma mère, et dites-le à mes sœurs, que ce n’est pas par mauvais cœur que j’ai agi. »

Prenant alors une image de Notre-Dame des Sept-Douleurs qu’il portait constamment sur lui depuis qu’il était en prison, il pria sa mère de la remettre à ses sœurs, et ajouta cette recommandation :

« Dites-leur, ma mère, de baiser la partie de cette image qui porte la marque de mes pleurs. »

Duquet était généralement sérieux et pensif ; son sourire était triste, et on put voir plus d’une fois qu’il avait dû pleurer pendant la nuit. Qui dira ce qu’il a souffert, lorsque, dans sa cellule, il restait seul avec ses pensées ? Le cœur bat si fort dans la poitrine de celui qui, en pleine santé, voit approcher la mort ! On aime tant ce qu’on est à la veille de quitter pour toujours !

Lorsqu’il ne pouvait pas dormir, il se levait et passait une partie des nuits à prier. Comme de Lorimier et Cardinal, il priait plus pour ceux qu’il quittait que pour lui-même. Il se confessa plusieurs fois et fit tout ce qu’il put pour mourir en brave et en chrétien.