sait être, emportait avec lui, comme trophée du champ de bataille, la main et l’avant-bras d’un soldat anglais. C’est toujours ça ! disait-il, en s’essuyant le front de sa large main noire de poudre.
« Il avait, paraît-il, arraché ce débris humain des décombres fumants où les Anglais jetaient leurs morts pour dissimuler leurs pertes. Il tenait à prouver qu’il y était !
« Ils continuèrent leur route ensemble, nos amis trompant la monotonie du voyage en alimentant la loquacité de mon gaillard, qui avait autant de verve que de bravoure, et celui-ci enchanté de voyager en si aimable compagnie.
« Mais le plus difficile était à faire.
« À quelques lieues de la frontière américaine, le guide que nos fugitifs avaient loué les prévint — un peu tard — que la route était barrée par un corps de garde anglais chargé d’arrêter tous ceux qui se dirigeaient vers les États-Unis.
« La situation était critique.
« D’un côté, c’était la rivière à traverser sans embarcation — et, à cette saison de l’année, il ne fallait pas songer à se mettre à la nage. De l’autre — difficulté aussi grave ! — plus de douze milles à faire en pleine forêt, sans chemin, sans guide, sans provisions, sans même une boussole pour s’orienter. Que faire ?
« On s’arrêta pour délibérer.
« — C’est le moment de montrer du courage, dit M. Pacaud. Si nous retournons sur nos pas, nous sommes pris, jugés et condamnés, c’est clair ! De sorte qu’à tout prix, il nous faut aller en avant. Or, tenter de franchir la rivière à la nage, ou nous jeter dans la forêt, c’est la mort certaine. Il ne nous reste donc qu’un parti à prendre, mes amis, c’est de passer tout droit !