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les patriotes

Nous avons déjà dit, en faisant le récit de la bataille de Moore’s Corner, comment la vaillante troupe fit son chemin au travers des sentinelles anglaises pour rejoindre les patriotes à Swanton, rentra avec eux au Canada, et eut à lutter contre des forces dix fois plus considérables. Gagnon, qui avait reçu deux blessures sérieuses, put, avec beaucoup de peine, regagner la frontière.

Pendant ce temps-là, sa femme et ses enfants étaient victimes de la vengeance de ses ennemis.

Un soir que Mme Gagnon était seule avec ses enfants des hommes armés entrent soudain dans sa maison, l’insultent, la menacent, lui annoncent qu’ils viennent au nom de la reine confisquer tous les biens de son mari, s’emparent en effet de tout, clouent les portes de toutes les chambres de la maison, des granges, bâtiments et dépendances, et donnent trois heures à Mme Gagnon pour sortir avec sa famille. La pauvre femme essaya en vain de toucher ces barbares en leur montrant ses huit enfants pressés autour d’elle, et sa veille mère âgée de soixante-quinze ans ; elle leur demanda même en vain la permission d’emporter des vêtements et des provisions.

Elle fut obligée de partir, dénuée de tout.

Et l’on vit cette pauvre femme sur le chemin, par une nuit noire et froide, aller de porte en porte, un enfant dans les bras, suivie d’une vieille femme de soixante-quinze ans, sa mère, et de sept enfants, tremblants de peur, grelottants de froid. Les bureaucrates avaient tellement effrayé le voisinage, qu’à plusieurs endroits on ne voulut pas recevoir la femme et les enfants de Gagnon. Les fugitifs furent donc obligés de faire une demi-lieue avant de trouver un refuge. Quelques jours après, Mme Gagnon et sa famille prenaient la route des États-Unis. Deux voitures portaient les hardes et les provisions qu’elle avait pu se procurer pour faire son triste voyage ; elle s’en allait, le cœur