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LAURIER ET SON TEMPS

au Canada ? Notre population n’est pas tout entière, vous le savez, d’origine anglaise ; un tiers est de descendance française. Quels sont les sentiments propres de cette population canadienne-française ? Quelles sont ses aspirations ?

« La réponse est aisée. Mes aïeux ont combattu sur bien des champs de bataille les soldats anglais pour garder au roi de France la colonie du Canada. Ils ont repoussé invasion après invasion ; et sur tous les points du globe où la valeur française, l’énergie et la constance britanniques se sont trouvées en présence, il n’en est aucun, où, de part et d’autre, ces qualités distinctives des deux races aient brillé d’un pareil éclat. Le jour vint cependant où la fortune des armes tourna contre nous. Nos ancêtres devinrent à la suite des revers, en vertu d’un traité définitif, sujets britanniques. Ce jour-là, ils réclamèrent aussitôt de l’autorité impériale, les droits inhérents au titre de sujets britanniques, d’exercer en liberté leur religion, de parler leur langue et de maintenir leurs institutions particulières. Leur religion, je suis heureux de le dire, a toujours été respectée ; mais leurs droits politiques leur furent longtemps disputés ; lorsque des concessions furent faites, je le reconnais, elles le furent gracieusement et dans l’esprit le plus large. Mes compatriotes ayant obtenu tous les droits de sujets britanniques, reconnaissent que c’est pour eux un devoir, un point d’honneur, une œuvre de prédilection, d’accepter en toute leur étendue les obligations et les responsabilités qui en découlent. Ils sont fiers de leur origine — ils descendent d’une race fière, et s’ils sont ainsi fiers de leur origine, peu d’entre vous songeront à leur contester ce droit — ils ont également au cœur une autre fierté, celle de la gratitude ; et laissez-moi vous dire que, dans ce vaste empire, il n’est point un endroit dans l’Angleterre, d’où monteront vers le ciel, au jour du Jubilé, de plus ferventes prières pour la Reine. »

À Londres, on peut dire, sans exagération, qu’il fut le