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LAURIER ET SON TEMPS

bicon. Mais après avoir pesé le pour et le contre, après avoir épuisé tous les moyens de s’éclairer afin d’agir sagement, il proposa le renvoi du bill à six mois. Le gouvernement l’emporta par une faible majorité, mais le bill avait été soumis trop tard à la Chambre pour qu’il pût être voté. Le Parlement fut prorogé, et les élections eurent lieu.

M. Tupper avait fait entrer dans le cabinet MM. Angers, L.-O. Taillon et Alphonse Desjardins, trois hommes fort populaires dans le clergé, et qui n’avaient, dit-on, accepté des portefeuilles qu’après avoir obtenu l’approbation des autorités ecclésiastiques et la promesse de leur appui énergique.

Il n’y a pas de doute que les évêques furent trop facilement convaincus que le bill remédiateur était satisfaisant, que la majorité anglaise du parti tory en voulait sincèrement l’application, et que le triomphe des conservateurs serait celui des écoles séparées. Le clergé mit partout son influence au service des candidats conservateurs et fit un devoir aux électeurs de voter pour le gouvernement. Mais les Canadiens-français crurent qu’ils ne devaient pas manquer l’occasion de mettre à la tête du pays un compatriote, pour l’amour d’un bill aussi imparfait ; ils votèrent en grande majorité pour Laurier et ses candidats.

Jamais le parti conservateur n’avait subi une pareille défaite.

Quelques semaines après, le ministère Tupper donnait sa démission, et Laurier était appelé à former un gouvernement au milieu des acclamations de la grande majorité de ses compatriotes. La province de Québec avait bien raison de se réjouir ; c’était la première fois depuis la Confédération qu’un Canadien-français était élevé au poste de premier ministre.