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LAURIER ET SON TEMPS

Avec une clarté et une simplicité étonnantes, avec une profonde conviction, il défendit l’honneur de ses compatriotes contre l’accusation d’avoir attaqué les institutions du pays, parce que les tribunaux avaient condamné un de leurs concitoyens d’origine française.

« On ne s’attendait nullement qu’il prendrait la parole à ce moment-là ; le fait est qu’il y fut forcé. M. Rykert, le député de Lincoln, avait parlé pendant plusieurs heures, et M. Béchard l’avait suivi. Lorsque M. Béchard reprit son siège, à dix heures et demie du soir, après avoir prononcé un court discours, personne ne se leva à droite pour lui répondre. Il y eut silence durant une couple de minutes, et le président demanda si la motion serait mise aux voix. Personne ne répondit, et le président allait prendre le vote, lorsque M. Laurier se leva. Les conservateurs applaudirent sarcastiquement, le but évident du gouvernement ayant été de forcer soit M. Laurier ou M. Blake de parler tout d’abord et de donner la réplique aux ministériels. M. Laurier prit donc la parole, mais les conservateurs durent regretter amèrement leur tactique.

« M. Rykert avait réussi à vider la Chambre et M. Béchard ne l’avait pas remplie, mais à peine M. Laurier avait-il commencé son discours que presque tous les députés étaient retournés à leurs sièges. Durant les deux heures qui suivirent, M. Laurier, avec son éloquence habituelle, parla au milieu d’un silence interrompu seulement par les acclamations et les applaudissements ; le fait est qu’à certains moments on pouvait entendre le tic-tac de l’horloge de la Chambre. »

M. Galbraith, un député anglais et conservateur, dit, en montrant Laurier du doigt, à quelques amis : « Ce jeune homme sera, un jour, premier ministre du pays. »

M. Galbraith fut bon prophète.