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LAURIER ET SON TEMPS

« Monsieur, n’est-ce pas là la preuve que Riel s’est rendu sur la foi de la demande qui lui en était faite par le général Middleton ? S’il en est ainsi, je demanderai à tout homme juste et honorable si le gouvernement canadien était justifiable d’exécuter ensuite un homme qui s’était constitué leur prisonnier sur leur propre invitation ? Il se peut qu’au point de vue strictement légal Riel n’ait pas pu invoquer cela comme un empêchement à toute mise en accusation contre lui, mais, dans mon opinion, il doit répugner à tout esprit juste et honorable de voir traîner au gibet un homme qui se constitue votre prisonnier, à votre demande, afin d’éviter une nouvelle effusion de sang.

« La lettre du général Middleton était sans doute dictée par un louable sentiment d’humanité, c’était aussi un acte éminemment politique. Le rapport du général, après la prise de Batoche, nous apprend que l’une de ses idées fixes était la capture de Riel. Cela se conçoit aisément. Tant que Riel était en campagne, la rébellion ne pouvait pas être considérée comme finie ; il pouvait encore organiser des bandes de guérillas, et il aurait encore fallu du sang et de l’argent pour détruire ces derniers vestiges de rébellion. Le général dit dans son rapport :

« Nous nous mîmes en marche dans la direction du gué Lépine. Ayant fait halte pour le dîner, je reçus avis que Riel était dans le voisinage, ce qui me décida à pousser sur le gué Short ou Guardapui, de quelques milles plus proche et d’y bivouaquer pour la nuit. »

Comme on le voit, le général se voit obligé de modifier sa marche parce que Riel est dans un certain endroit où il ne s’attendait pas à le trouver. Le moins que le gouvernement eût dû faire quand Riel s’est rendu, ce n’était certes pas de le traiter comme s’il avait été pris les armes à la main dans un combat. Nous avons à ce sujet un beau précédent : celui du général Lee et du général Grant. Le 2 avril 1865, Richmond, qui avait si longtemps résisté aux