Page:David - Laurier et son temps, 1905.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LAURIER ET SON TEMPS

comme dans le cas d’une intelligence parfaitement saine ? Rien ne serait plus faux, plus injuste. Il ne saurait y avoir, à mes yeux, de discussion sur l’état mental de Riel. Le printemps dernier et au commencement de l’été, lorsqu’arrivèrent les premières nouvelles de ses faits et gestes dans le Nord-Ouest, lorsqu’on l’entendit dire qu’il allait établir des monarchies dans le Nord-Ouest, qu’il allait déposer le Pape et créer un pape américain, ceux qui ne le connaissaient pas purent le prendre pour un imposteur, mais ceux qui le connaissaient comprirent tout de suite ce qu’il y avait chez lui. Dans la province de Québec, il n’y eut pas un moment de doute à ce sujet. Il n’y avait peut-être pas dans toute la province un seul homme qui ne sût qu’il avait été déjà plusieurs fois interné à l’asile ; la population de Québec n’eut donc qu’une pensée, c’est que le pauvre malheureux venait de retomber dans un des accès auxquels il était sujet. Quand ses avocats furent choisis et qu’ils commencèrent à se préparer pour le procès, ils virent du premier coup-d’œil que, s’il devait compter sur la justice, sur la simple justice, ils n’avaient qu’une chose à faire : plaider folie.

« On dit qu’il a eu un procès équitable. Je le nie formellement. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été invoqués à ce sujet ; je me contenterai de signaler une seule particularité à l’attention de mes collègues. Cet homme a demandé un délai d’un mois pour son procès ; il a obtenu huit jours. Était-ce là de la justice ? Était-ce donner fair play à l’accusé ? Quand il déclarait sous serment qu’en justice pour sa défense, il lui fallait un délai d’un mois, quelles grandes raisons publiques y avait-il de ne pas se rendre à sa demande ? quelles grandes raisons publiques exigeaient donc le rejet d’une demande de cette nature ? C’est cependant ce que l’on a fait. Et puis quand il a demandé des témoins indispensables à sa cause, a-t-on fait droit à sa requête ? Non, il s’est vu refuser tout cela. Je