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LAURIER ET SON TEMPS

l’adhésion temporaire d’un certain nombre de conservateurs, demanda compte au gouvernement de cette grande injustice.

M. Blake avait, dans un discours de treize heures, chargé à mitraille, entrepris de prouver que le gouvernement était plus coupable que Riel. Plusieurs autres députés importants avaient pris la parole et plaidé avec éloquence la cause de Riel. Lorsque Laurier se leva pour parler, il y eut un grand mouvement de curiosité dans la Chambre et les galeries, et tous les yeux se tournèrent avec sympathie vers l’orateur à la belle prestance, à l’air distingué, aux manières si délicates, si raffinées.

On supposait que, vu l’importance du sujet et les circonstances, il allait faire un grand effort et par conséquent remporter un grand succès.

L’attente du public ne fut pas trompée ; du commencement à la fin de son discours, durant deux heures, Laurier tint son auditoire sous l’effet de sa parole merveilleuse au milieu d’un silence respectueux, interrompu de temps à autre par des applaudissements chaleureux. L’auditoire était tellement charmé, fasciné, et craignait tant de perdre un mot, une des perles qui tombaient de la bouche de l’orateur, qu’il applaudissait sans le vouloir, sous le coup seulement d’une émotion trop vive.