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LAURIER ET SON TEMPS

La misère publique et le refus du gouvernement de faire ce que l’intérêt de l’industrie exigeait, leur fournissaient une arme terrible. Non contents de cela, ils arborèrent l’étendard religieux, et proclamèrent partout que voter pour le gouvernement, c’était voter contre le catholicisme.

C’était le temps où un orateur en vogue pouvait dire que les libéraux descendaient en ligne directe de Caïn, le premier libéral du monde, où des « cabaleurs » allaient de maisons en maisons disant que les libéraux, ici comme en France, finiraient pas nous faire marcher dans le sang des prêtres jusqu’aux genoux.

— Eh bien ! on se chaussera pour, avait dit un bon cordonnier, libéral obstiné.

Laurier fut vaincu. Il fut sensible à cet échec, le premier et le dernier de sa vie. Mais Québec, théâtre de ses premiers triomphes oratoires, le vieux Québec dont il avait éveillé le patriotisme et soulevé l’enthousiasme, vint à son secours. M. Thibaudeau, représentant de la division Est, lui offrit son siège, aux applaudissements de la population. Laurier accepta et fut élu.

Mais il ne fut pas assez longtemps ministre pour donner la mesure de ses talents d’administration. Sa défaite, dans le comté de Drummond-Arthabaska, avait été le premier coup de glas du ministère Mackenzie. Si Laurier, le plus aimé, le plus populaire des chefs du parti libéral n’avait pu se faire élire dans le comté qu’il honorait par ses talents, qui donc pourrait résister aux assauts du parti conservateur ?

L’écrasement des libéraux aux élections de 1878 était facile à prévoir.

Les conservateurs offraient aux manufacturiers, aux ouvriers, aux cultivateurs, au pays affamé, un remède à ses maux : la protection.