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LAURIER ET SON TEMPS

dessus de nos têtes, et il ne se trouve pas dans le pays un seul soldat anglais pour le défendre ; sa seule défense, c’est la reconnaissance que nous lui devons pour la liberté et la sécurité que nous avons trouvée sous son ombre.

« Quel est le Canadien qui, comparant son pays aux pays même les plus libres, ne se sentirait fier des institutions qui le protègent ?

« Quel est le Canadien qui, parcourant les rues de cette vieille cité et arrivant au monument élevé, à deux pas d’ici, à la mémoire des deux braves, morts sur le même champ de bataille en se disputant l’empire du Canada, ne se sentirait fiers de son pays ?

« Dans quel autre pays, sous le soleil, trouvez-vous un monument semblable, élevé à la mémoire du vaincu aussi bien que du vainqueur ? Dans quel autre pays, sous le soleil, trouvez-vous le nom du vaincu et celui du vainqueur honorés au même degré, occupant la même place dans le respect de la postérité ?

« Messieurs, lorsque dans cette dernière bataille, que rappelle le monument de Wolfe et de Montcalm, la mitraille semait la mort dans les rangs de l’armée française ; lorsque les vieux héros, que la victoire avait tant de fois suivis, virent enfin la victoire leur échapper ; lorsque, couchés sur le sol, sentant leur sang couler et leur vie s’éteindre, ils virent, comme conséquence de leur défaite, Québec aux mains de l’ennemi, et le pays à jamais perdu, — sans doute leur pensée suprême dut se tourner sur leurs enfants, sur ceux qu’ils laissaient sans protection et sans défense ; sans doute ils les virent perdus, persécutés, asservis, humiliés, et alors, il est permis de le croire, leur dernier soupir put s’exhaler dans un cri de désespoir. Mais si, d’un autre côté, le ciel permit que le voile de l’avenir se déchirât à leurs yeux mourants ; si le ciel permit que leur regard, avant de se fermer pour jamais pénétrât dans l’inconnu ; s’ils purent voir leurs enfants libres et heureux, marchant, le front haut, dans toutes les sphères de la société ; s’ils