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LAURIER ET SON TEMPS

et s’était rendu secrètement à Ottawa. Il avait même réussi, grâce à son ami le docteur Fiset (sénateur maintenant), à prêter le serment requis et à signer le rôle de la Chambre. Le greffier, qui était anglais, faillit perdre connaissance lorsqu’il aperçut la signature de Louis Riel. Il partit effaré et donna l’alarme, mais il était trop tard. Lorsque la nouvelle de ce qui s’était passé transpira, une tempête d’indignation éclata parmi la population et la députation anglaises. Des milliers de voix s’élevèrent pour crier qu’il ne pouvait être permis à un traître, à un meurtrier de braver ainsi l’opinion publique. D’un autre côté, la population canadienne-française d’Ottawa et de Hull se prépara à entourer Riel et à l’accompagner jusqu’à la Chambre pour l’aider à prendre son siège, à le protéger au besoin.

La situation était critique, — dangereuse. Les conseils des amis, la crainte d’une émeute, qui aurait pu avoir les conséquences les plus graves, ainsi que des promesses quasi-officielles décidèrent Riel à renoncer à son projet.

Pendant ce temps-là, McKenzie Bowell, l’un des chefs orangistes, mettait devant la Chambre une “ résolution ” demandant l’expulsion de Riel. M. Holton proposait comme amendement de différer toute décision jusqu’à ce que le comité nommé pour s’enquérir de l’existence des promesses faites à Riel par les membres de l’ancien gouvernement eût fait son rapport. Une discussion animée s’engagea et fut parfois violente, malgré les efforts faits par les chefs de la Chambre pour la circonscrire dans les limites de la question légale et constitutionnelle soulevée par M. Bowell.

Laurier prit la parole et s’appliqua à démontrer que la Chambre n’était pas dans les conditions requises par la loi et la constitution pour adopter la proposition Bowell, qu’il n’y avait rien devant elle pour établir que Riel était un criminel indigne d’occuper le siège que le peuple lui avait confié, qu’il aurait fallu au moins produire l’acte d’accusa-