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LAURIER ET SON TEMPS

par excellence, de le voir et de l’entendre. On s’attendait à un début brillant, à quelque chose de nouveau.

Parlerait-il sur l’Adresse ? C’est la question qu’on se posait partout.

Il parla et on s’en souvient, on en parle encore dans la vieille capitale et ailleurs. Ce fut un charme, un éblouissement, une grande fête littéraire et oratoire. Les députés qui avaient proposé l’Adresse et le premier ministre s’étaient mutuellement félicités dans les termes les plus flatteurs, et avaient fait de la situation de la province le tableau le plus attrayant.

Le discours de Laurier éclata comme une bombe au milieu de ce concert de félicitations et de réjouissances, au milieu de ces chants d’allégresse.

Le jeune tribun jeta des épines au milieu des fleurs ; il déchira le voile du temple, et dissipant les nuages d’encens qui enveloppaient le sanctuaire, il porta une main sacrilège sur les idoles.

« Le tableau qu’on a mis devant vous, est-il bien, dit-il, l’expression de la vérité ? Je ne saurais accepter cette manière de voir. On dit que nous sommes riches et prospères. Le sommes-nous vraiment ? Interrogez toutes les classes de la société, le négociant, le banquier, le marchand, l’homme des professions libérales, l’agriculteur, le simple artisan, et partout, sans exception, vous constaterez une gêne, un malaise, un état de souffrance et de langueur dénotant qu’il y a un mal quelque part… Voilà la vérité ! Voilà la véritable situation ! Aveugle qui ne la voit pas ! Coupable qui, la voyant, ne l’avoue pas… C’est pour nous, nous surtout Canadiens d’origine française, un devoir de créer une industrie nationale…

« Nous sommes environnés d’une race forte et vigoureuse, d’une activité dévorante qui a pris l’univers entier pour champ de travail.