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LAURIER ET SON TEMPS

bonheur futurs sont le résultat du travail patient et de la sagesse des premières années.

Combien de talents perdus, de carrières brisées par les habitudes d’intempérance et de paresse contractées au commencement de la vie !

Que d’épaves et de ruines lamentables on voit tous les jours ! Que d’étoiles se sont allumées au firmament de la patrie pour s’éteindre presque aussitôt !

Que sont-ils devenus tous ces hommes forts comme des chênes dont la tête dominait leur génération ? Ils sont tombés, ils sont presque tous disparus, quinze, vingt-cinq, trente ans trop tôt, par leur faute. Ce sont les faibles comme Laurier, faibles physiquement, mais forts moralement, qui ont survécu, parce qu’ils ont su se conserver. Ils assument une grande responsabilité ceux qui abrègent leur vie et meurent avant d’avoir donné à leurs familles, à la société tout ce qu’elles avaient le droit d’attendre de leur intelligence, de leurs talents.

Mais honneur à celui qui, ayant une santé faible, a le courage et l’énergie d’éviter tout ce qui peut l’amoindrir, de faire ce qui est nécessaire pour la conserver, la fortifier, et qui réussit à prolonger une existence précieuse pour les siens, pour la société !

En 1864, Wilfrid Laurier était admis au barreau après avoir obtenu le diplôme de docteur en droit, à l’université McGill.

Il y avait, à cette époque, à Montréal, un homme qui faisait beaucoup de bruit. Il était avocat, journaliste, bon écrivain, excellent orateur, actif, remuant, d’une énergie indomptable, mais d’une ambition démesurée qui finit par le perdre. C’était Médéric Lanctôt. Il venait de fonder, avec le concours d’un comité composé de jeunes conservateurs et libéraux, un journal populaire appelé L’Union Nationale, afin de combattre le projet de confédération qui venait d’éclore. Lanctôt ne pouvant suffire à tout, avait