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LAURIER ET SON TEMPS

De tous les hommes d’État qui ont illustré la politique canadienne, quel est celui qui aurait pu traverser et régler des difficultés religieuses et nationales si dangereuses, parler et agir avec autant de franchise, sans laisser aux épines du chemin des lambeaux de sa popularité ?

Qui aurait pu faire accepter aussi facilement ses opinions ou sa manière d’agir, dans la guerre du Transvaal, par la province de Québec, et ses idées d’indépendance, dans la grande question de l’Impérialisme, par les Anglais du Canada et de l’Angleterre ?

Ses campagnes dans les provinces anglaises sur les questions du Nord-Ouest et des jésuites, et sa lutte contre les projets de Chamberlain démontrent que son courage et son talent sont à l’épreuve de tous les dangers, de toutes les influences.

Dans tous ses discours, dans tous ses écrits comme dans ses conversations, il ne cesse de faire l’éloge de la constitution anglaise, des bienfaits qu’elle a procurés au monde, des libertés que nous lui devons. Il a plus d’une fois exprimé l’opinion que la reconnaissance et la loyauté nous faisaient un devoir de donner à l’Angleterre des preuves tangibles de sympathie, mais il s’est imposé une limite qu’il ne veut pas franchir. Il refuse d’aliéner la liberté et l’indépendance du Canada, de le lancer dans les voies tortueuses de l’Impérialisme, d’engager l’avenir. Il veut que ceux qui viendront après lui, aient les mains libres, qu’ils n’aient pas le droit de dire que les engagements contractés les rendent impuissants, incapables de résoudre librement les grands problèmes que les destinées du Canada feront surgir.

Quelles seront ces destinées ?

Laurier lui-même, malgré sa clairvoyance, ne peut le dire. Il dit souvent que c’est un mystère impénétrable, qu’à une époque où l’imprévu joue un si grand rôle, où les