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LAURIER ET SON TEMPS

preuve dans nos difficultés religieuses a eu un excellent effet sur lui comme sur bien d’autres. Combien j’en ai connu d’hommes de talent que leurs querelles avec le clergé, dans des matières politiques, éloignaient de l’autel et du confessionnal !

Un homme si bien fait aime naturellement son pays, ses actes comme ses paroles en font foi.

Avec quelle éloquence il parle des œuvres immortelles et des actions héroïques de nos ancêtres ! avec quelle émotion il exalte leurs sacrifices et leur dévouement pour la religion et la patrie ! Mais comme tous les autres sentiments, le patriotisme chez lui est large, libéral, raisonné et comprend dans ses affections et ses soucis, non pas seulement la province de Québec, mais tout le Canada.

Il veut que notre patriotisme ne soit ni anglais, ni français, mais canadien. Il dit que le Canada est assez grand, assez beau, assez riche, pour qu’on l’aime, qu’on s’y attache, qu’on soit avant tout Canadien.

Il croit que les Canadiens-français ont raison d’être fiers de leur origine, d’avoir foi en leur destinée, et d’espérer jouer un rôle brillant en Amérique, mais à la condition qu’au lieu de s’isoler, ils joignent leurs efforts à ceux de leurs concitoyens anglais, pour le bien commun et le progrès du Canada. La Providence ayant voulu que leur sort fût lié politiquement et matériellement à celui d’hommes d’origine différente, ils doivent accepter les conséquences de l’ordre de choses établi, faire respecter leurs droits et leurs sentiments, mais ne pas oublier qu’ils doivent aussi tenir compte des prétentions, des opinions et même des préjugés de la majorité.

Il répète souvent que quelles que soient les destinées politiques du Canada, les Canadiens-français brilleront toujours au premier rang dans le monde des lettres et des beaux-arts, mais que pour jouer un rôle digne de leur origine et de leurs espérances, ils doivent se rendre capables,