Page:David - Laurier et son temps, 1905.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
LAURIER ET SON TEMPS

il s’exprimait dans des termes qui ne prêtaient à aucune équivoque. Il pouvait, avec aise, présenter à son auditoire un exposé, non pas, peut-être, exact ou profond, mais lucide, populaire et plausible de la question la plus difficile et la plus compliquée… Par contre, lorsqu’il ne désirait pas être explicite — et l’homme d’État, qui est à la tête des affaires, ne désire pas toujours être explicite — il avait un merveilleux talent pour ne rien dire, dans un langage qui laissait à ses auditeurs l’impression qu’il avait dit beaucoup de choses.

« Personne ne pouvait entendre Pitt sans acquérir la conviction qu’il était un homme d’un esprit élevé, intrépide et imposant, conscient de sa rectitude et de sa supériorité intellectuelle, incapable des honteux vices de la crainte et de l’envie… L’irréprochabilité de sa vie privée allait de pair avec la dignité de sa vie publique. Comme fils, comme frère, comme oncle, comme maître, comme ami, sa conduite était exemplaire. Dans l’étroit cercle de ses intimes, il était aimable, affectueux, enjoué. On l’aimait sincèrement et on le regretta vivement. »

Personne ne niera que cette description de l’éloquence et du caractère de Pitt s’applique parfaitement à sir Wilfrid Laurier.

Il y a un autre point de ressemblance entre Pitt et Laurier. Pendant leur jeunesse, la faiblesse de leur santé inspira de vives inquiétudes à leurs amis, et leur fit craindre qu’elle ne fût un obstacle à leurs succès. Mais tous les deux, par des moyens différents, ont acquis la force nécessaire pour jouer un rôle brillant et justifier les espérances de leurs concitoyens.

Voyons maintenant ce que Lamartine dit des débuts de Cicéron.

« Les premiers plaidoyers de Cicéron pour ses clients étonnèrent les orateurs les plus consommés de Rome. Sa parole éclata comme un prodige de perfection inconnu