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LAURIER ET SON TEMPS

destitua, après l’avoir mis en demeure d’expliquer ses paroles et sa conduite.

Sir Wilfrid Laurier rendit compte à la Chambre de l’incident et réclama avec énergie pour le gouvernement du Canada le droit de se gouverner, en matière militaire, comme sous tous les autres rapports, et prouva, au milieu des applaudissements de la Chambre, que lord Dundonald avait, en portant ses griefs devant l’opinion publique, au lieu de s’adresser au département de la Milice ou au gouverneur, violé tous les usages constitutionnels, toutes les règles du code militaire. Mais dans le cours de ses remarques, voulant démontrer que le commandant général devait, dans l’intérêt même de la force militaire, recevoir les conseils du ministre de la Milice, qui devait naturellement mieux connaître les hommes du pays qu’un étranger, il se servit du mot foreigner.

À ce mot, une tempête éclata dans tous les journaux conservateurs du pays. C’était la première fois que l’impeccable Laurier laissait échapper de ses lèvres toujours si prudentes, un mot qui permettait à ses adversaires de soulever contre lui les préjugés nationaux. Il avait osé traiter de foreigner un Dundonald, le descendant d’une des plus illustres familles de l’Empire, l’envoyé de l’Angleterre, l’un des représentants les plus distingués de l’armée anglaise ! Quelle audace ! Quel crime ! Les journaux de l’opposition faisaient feu et flamme contre l’homme qui avait osé dire qu’un Dundonald était un foreigner dans une colonie anglaise, l’accusaient presque de trahison et faisaient voir le danger qu’il y avait d’avoir à la tête du pays un Canadien-français.

Laurier refusait de parler, de s’excuser, il disait qu’il avait immédiatement retiré le mot, lequel d’ailleurs était souvent employé comme synonyme de stranger, sans signification abusive. Mais les instances de ses amis triomphèrent de son obstination, et il se décida, un jour, à répondre aux attaques de ses adversaires, sur une motion faite par le