Page:David - Laurier et son temps, 1905.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
LAURIER ET SON TEMPS

fui de la terre canadienne… je mourrai heureux dans la conviction que ma vie n’aura pas été vaine. »

Un citoyen distingué de Montréal, plutôt conservateur que libéral, était présent à ce banquet. Il dit qu’il fut surpris de voir un auditoire anglais des plus select, manifester son enthousiasme par des bravos et des applaudissements si bruyants.

« Quant à moi, ajoutait-il, je n’ai jamais été aussi fier d’être Canadien-français. »

Des Anglais distingués, des journaux même, avaient la franchise de dire que personne en Angleterre ne parlait mieux que sir Wilfrid Laurier.

C’est le temps de dire qu’il avait trouvé, un matin, parmi ses lettres, une missive royale lui annonçant que Sa Majesté l’avait créé commandeur de l’Ordre de St-Michel et de St-Georges.

Il aurait préféré ne recevoir aucun titre, et il avait même fait connaître son opinion à ce sujet à lord Aberdeen, mais on n’en tint pas compte, tant on voulait l’honorer.

Comment pouvait-il, lorsqu’il était l’hôte de l’Angleterre, refuser un pareil témoignage de sympathie ? Son refus aurait été mal interprété, et trouvé peu courtois. Il accepta, mais il n’a pas changé d’opinion, et il croit toujours que les titres de noblesse de la vieille Europe sont peu compatibles avec les mœurs démocratiques de la jeune Amérique. Je me permettrai d’ajouter que ce sont des liens qui peuvent gêner la liberté d’action de nos hommes publics dans certaines circonstances.

Après avoir été l’objet, à Londres, des hommages et de l’admiration du peuple anglais, Laurier ne voulut pas quitter l’Europe, sans voir la France, sans visiter Paris.

Des appréciations peu sympathiques de sa conduite, des critiques acerbes même de ses sentiments nationaux, l’avaient précédé en France, et produit une fâcheuse impression dans certains cercles.