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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

À ce moment, lui parvinrent ces ordres brefs de Hughes :

— Couchez-vous dans la carlingue… N’observez plus : je vois moi-même.

En même temps, l’aviateur donnait un brusque coup de barre, qui fit dévier l’hydravion dans une direction opposée.

Un coup de feu se fit entendre, le premier de la bataille qui s’engageait. Mais il se perdit dans l’eau, parce que le mouvement de l’avion avait déplacé l’objectif.

La position respective des adversaires se trouvait toute changée. Au lieu de se diriger vers l’avant de l’hydroplane, le yacht passait à l’arrière. Il tourna abruptement, pour se maintenir à la hauteur.

De nouveau, un homme épaula sa carabine.

Hughes, qui ne perdait plus un seul mouvement de l’adversaire, eut recours au même stratagème que précédemment et reprit sa direction initiale.

Le deuxième coup de feu se perdit comme le premier.

Désemparé, l’adversaire hésita quelques instants avant d’adopter une nouvelle tactique : il croyait que le plan d’Hughes était d’aller en zigzags et de se dérober sans cesse. Il s’agirait donc de lui faire entreprendre de fausses manœuvres, par des fautes : on en viendrait à bout.

Mais l’intention de l’aviateur était tout autre. Ayant obtenu le résultat qu’il cherchait, c’est-à-dire dérouter l’ennemi et l’empêcher de réussir sa manœuvre qui consistait à vouloir barrer le passage, il entendait maintenant ne pas changer de route. Comme il l’avait dit à Renée avant de partir, il se sauverait en se dirigeant vers le plus proche village par le chemin le plus court et en forçant la vitesse.

Il mit à profit l’hésitation des hommes de Jarvis pour gagner un peu de distance.

Puis, il accepta la bataille, car il ne voulait à aucun prix modifier sa direction.

Le yacht avait repris la poursuite. Des coups de feu éclatèrent et des balles ricochèrent dans l’eau, tout près de l’avion.

Hughes, trop pressé par l’attaque, se décida à riposter. Tourné vers les assaillants, il tira, à intervalles réguliers toutes les balles de l’une de ses armes.

Cn cri se fit entendre. Sans doute, l’un des coups avait-il porté.

Surpris par cette vive riposte, les poursuivants eurent un autre instant d’hésitation, ce qui donna un répit nécessaire à Hughes et lui permit de recharger son revolver.


— IX —


Mais le but était encore éloigné et l’aviateur commençait à ressentir un peu d’appréhension, venant surtout de ce que ses adversaires étaient armés de carabines, tandis que lui-même n’avait que des revolvers à sa disposition.

La chasse reprenait, plus vive que jamais et la fusillade recommença. Par bonheur, la rapidité des deux embarcations empêchait de viser juste. Mais il suffisait d’une balle perdue…

Et le malheur se produisait, en effet.

Atteint à l’épaule, Hughes s’écroula soudain au fond de la carlingue. Un nuage passa devant ses yeux. Il perdit tout contrôle de sa machine, dont l’allure se modéra et qui se mit à zigzaguer dangereusement.

Renée s’était dressée, avec un grand cri et les yeux affolés. Elle vibrait d’angoisse, mais il lui était impossible de voler au secours d’Hughes, ni de rien faire pour éviter la catastrophe. Elle devait se contenter de contempler le désastre, immobile, inutile… Le yacht se rapprochait… Dans un instant, il aborderait l’avion, et alors… Le sang de la jeune femme se glaçait à cette pensée… Les ennemis comprenaient si bien que la proie tant poursuivie était enfin à leur merci, qu’ils cessèrent leur feu, maintenant inutile…

Moment tragique, où le sort de deux existences allait se décider, où la mort étendait sa main hideuse sur deux jeunes vies…

Le yacht approchait…

Secouant l’abrutissement où l’avait jeté le coup fatal, Hughes se souleva et présenta, à bout de bras, les deux revolvers à Renée, sans dire un mot.

Maintenant, les deux jeunes gens s’affolaient devant l’imminence du péril.

Tournée vers l’arrière, Renée déchargeait précipitamment ses deux armes.

Quant à Hughes, pris de frénésie, il fourrageait dans les leviers de sa machine, à l’aide de son bras intact et de ses pieds.

Le yacht approchait toujours…

Ce fut à ce moment…


— X —


À ce moment, une sorte de miracle se produisit.