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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

puis faire un long détour pour éviter l’île, d’abord parce que mon avion ne pourrait peut-être pas, dans l’état où il est, tenir longtemps l’eau ; et, ensuite, parce que, si nous prenons trop de temps, les autres pourrons nous rejoindre avant que nous soyons en sûreté… Nous allons donc passer près d’eux, mais à toute vitesse, avant qu’ils aient le temps de mettre leur yacht en mouvement. Quand ils partiront, nous serons déjà loin. La rapidité est donc la condition de notre salut.

« Pour être prêts à toute éventualité, il va nous falloir surveiller le moindre mouvement de l’adversaire.

« Par conséquent, ma chère Renée, prenez cette jumelle marine et ayez l’œil ouvert. S’il se produit quelque chose, avertissez-moi immédiatement à l’aide de ce petit appareil téléphonique, d’invention récente et qui permet de communiquer malgré le bruit du moteur.

« S’il y a bataille, vous vous jetterez au fond de la coque. Me le jurez-vous ?

— Oui, répondit Renée. Mais ne vous exposez pas vous-même.

— Ne craignez rien.

« Et, maintenant, en avant !

Hughes fit jouer le démarreur automatique. Une suite d’éclatements se fit entendre : le moteur fonctionnait à merveille.

Parmi les éclaboussures d’eau soulevées par l’hélice et qui scintillaient au soleil, l’avion se mit en marche, d’abord lentement, puis à une vitesse terrifiante.

Les deux amoureux allaient au-devant de leur sort… vers la liberté ou vers la mort…

Sur la rive, les vieux domestiques-geôliers de Renée Vivian se serraient l’un contre l’autre. Ils pleuraient.


— VIII —


Les envoyés de Jarvis Dunn s’étaient-ils doutés, en entendant le bruit du moteur, de ce qui se passait ? Ou bien, par une curieuse coïncidence, s’apprêtaient-ils, au moment même du départ de l’avion, à partir eux-mêmes en expédition ?

Toujours est-il que, lorsque l’hydroplane eût doublé la pointe de l’île, Renée, qui fouillait l’horizon avec sa jumelle, aperçut, dans une baie d’une île voisine, un yacht dans lequel montaient plusieurs hommes.

Sans pouvoir reconnaître aucune de ces figures, à cause de la distance, elle supposa avec raison qu’il s’agissait de ses ennemis.

Si tel était le cas, leur intention était évidente. Ils se proposaient d’aller barrer le chemin de l’hydroplane, dont le tapage les avait fait accourir sur le rivage.

Par conséquent, il n’y avait pas à espérer de passer près de leur île avant qu’ils eussent pu mettre leur yacht en mouvement, puisqu’ils étaient prêts à partir.

De fait, quelques instants plus tard, le bruit du moteur de l’embarcation s’ajoutait aux pétarades de l’avion.

Le danger était grand et la bataille, inévitable. Renée tenait Hughes au courant, car le jeune homme devait surveiller avec soin le fonctionnement de sa machine qui n’était pas en parfait état.

La jumelle d’une main, le transmetteur téléphonique de l’autre, la jeune femme avait réellement l’air d’un commandant de navire de guerre, qui, du haut de sa tourelle, surveille les mouvements de l’ennemi et envoie ses ordres aux artilleurs perdus dans les flancs du monstre d’acier.

Quand il eut appris que le yacht se mettait en marche, Hughes ne modifia pas la direction de l’hydroplane, qui devait passer à quelques centaines de verges de l’adversaire.

Le yacht était puissant et, tout de suite, il acquit une vitesse considérable. Renée remarqua qu’il manœuvrait de façon à se trouver directement sur le passage de l’avion.

À une allure vertigineuse, les deux véhicules se dirigeaient l’un vers l’autre. La chasse impitoyable commençait ; c’était le début du duel définitif.

Avec une angoisse fébrile, Renée notait les progrès du yacht et en faisait part à Hughes par des paroles précipitées. Sa nervosité devint telle, qu’elle s’écria bientôt.

— Hughes ! Ils s’approchent toujours !… Ils vont nous rejoindre !… Changez de direction !… Allez n’importe où !… Sauvons nous !…

Mais l’aviateur ne répondait pas plus que s’il n’avait rien entendu et il maintenait l’hydroplane dans la même direction, toujours.

Le yacht approchait… Il n’était plus qu’à une dizaine de verges… Renée vit un de ses occupants se lever, armé d’une carabine. Elle poussa un cri affolé…