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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

les tiendrait en respect par le feu de son arme.

Les six personnages s’arrêtèrent devant l’entrée principale. Longuement, ils examinèrent la maison, levèrent la tête vers la chambre de Renée et se concertèrent.

Hughes ne perdait pas un seul de leurs mouvements, persuadé qu’ils cherchaient le meilleur moyen d’attaquer.

Le gardien leur parlait avec animation, levant les bras au ciel et semblant admonester son fils.

Enfin, l’un des hommes se détacha du groupe et vint sonder la lourde porte.

Hughes crut l’instant arrivé. Cependant, il ne tira pas encore, attendant à la dernière extrémité pour avoir recours à ce moyen fatal.

Cette hésitation était justifiée, comme il le vit bientôt, car l’homme rejoignit ses compagnons et le conciliabule reprit.

Au grand étonnement de l’aviateur, les six tournèrent les talons, après quelques minutes et se dirigèrent vers la rive où tous, sauf le gardien, remontèrent dans le yacht et s’éloignèrent.

Pour quelle raison n’avaient-ils pas attaqué ? Quelles étaient leurs intentions ? Hughes se perdait en conjectures.

Il écouta l’embarcation s’éloigner. Mais le moteur ne se fit pas entendre longtemps, le bruit cessa bien avant que le yacht eût pu se rendre à la terre ferme, ce qui étonna fort notre héros. D’autant plus que le vrombissement ne recommença pas. Il ne pouvait donc s’agir d’une panne.

Il y avait là un autre mystère. Mais Hughes ne s’y arrêta pas. Le danger immédiat était passé ; on aviserait à parer aux autres.

Hughes vint reprendre sa faction dans son fauteuil.

Renée ne s’était pas éveillée.


— VI —


Hughes, pensif, regardait le jour se lever. À mesure que la lumière se faisait plus claire, il se disait que commençait pour lui une journée décisive, qui serait comme l’un des sommets de sa vie.

Il méditait, debout devant la fenêtre qu’il avait ouverte pour laisser entrer les effluves du matin. L’aurore était l’heure qu’il préférait à toutes.

Il songeait, mais sans mélancolie, ni crainte. Le danger ne l’effrayait pas ; à vrai dire, il y songeait peu. Toute sa jeunesse se délassait devant un beau spectacle de la nature. Plus tard, il deviendrait actif, brave, téméraire, s’il le fallait. Pour l’instant, il goûtait la volupté d’une contemplation passive.

Un bâillement se fit entendre. Hughes se retourna et vit Renée qui, s’éveillant, reprenait lentement contact avec la vie quotidienne.

— Vous vous éveillez en même temps que l’aurore, dit gaiement le jeune homme. J’assiste donc au lever de deux beautés.

— Votre indiscrétion est double, par conséquent, répondit Renée, pendant qu’elle s’asseyait dans son lit, en ramenant sur ses épaules la chemise qui avait glissé.

— Je ne suis pas indiscret, répliqua Hughes, car j’admire de loin, en dévot.

Cependant, il se retira dans sa chambre pour permettre à la jeune femme de procéder à sa toilette.

Ce ne fut pas long, la pensée des graves événements qui se préparaient était revenue à l’esprit de Renée. Il tardait à celle-ci de discuter avec son compagnon le sujet qui les intéressait tous deux à un si haut degré.

Ils descendirent et, sitôt dehors, ils se heurtèrent au gardien qui semblait les attendre.

Cette fois, ils n’eurent pas besoin de le prier pour le faire parler. De lui-même, il leur donna les renseignements qu’ils attendaient.

— Les hommes de Jarvis Dunn sont revenus, la nuit dernière, dit-il.

— Je les ai vus, interjeta Hughes.

— Ah !… Ils voulaient absolument aller vous attaquer et, si possible, vous enlever tous les deux.

— Et s’ils n’y avaient pas réussi ?

— Le bon Dieu sait ce qu’ils auraient fait… Mais j’les ai bien empêchés d’aller vous déranger. J’leur ai dit que vous pouviez absolument pas partir aujourd’hui encore, que vot’ aéroplane est pas réparé et qu’ils pouvaient attendre. J’ai eu ben du tintouin ; à la fin, entraînés par mon fils, ils sont partis… Mais, faites attention, ils sont pas loin « Faut les surveiller » qu’a dit un des hommes. Pour ça, ils sont allés s’poster sur une île toute proche et ils guettent.

« À vot’ place, j’resterais pas, car on sait pas ce qu’ils vont faire, la nuit prochaine. Vous devriez partir tout de suite.